J'adore cette vision de la France des années 50, de ces usines, de ces gens humbles qui parlent encore avec un argot savoureux, de ces rues enfin, pas encore surpeuplées. Dès le départ, on est pris dans le tourbillon des existences parisiennes, de leur insignifiance. La voix du narrateur nous invite, dans une langue ciselée, à partager un moment avec ces gens simples, au caractère marqués, attachants dès la première seconde. Duvivier filme magnifiquement bien la routine, les toits de Paris, et ces existences insignifiantes qui se croisent. Les scènes dantesques se succèdent, là un concours d'internat qui se passe mal, ici, une femme qui découvre que l'amour de sa vie est handicapé, et enfin aussi dans cette usine, avec cet ouvrier qui doit fêter son anniversaire tout en menant la lutte contre le patronat... On alterne tout le temps du tragique au comique avec l'énergie insondable du Paris qui s'éveille.

Dommage que le film s'oriente ensuite vers une fin plus convenue (peut être pas tant que ça à l'époque celà dit), en faisant converger toutes les destinées individuelles vers un point commun, que l'on prévoit un peu. On quitte la douce mélancolie qui se dégage de ce portrait d'une France perdue pour passer à une fin plus narrative, empruntant un peu au code du film noir. D'ailleurs, le narrateur, qui au début magnifiait la vie des gens avec une telle tendresse s'en désintéresse au profit de lignes que l'on attendrait d'un film noir.

Mais toujours, même dans ce final plus mécanique, la beauté du quotidien demeure encore un peu. Et le narrateur conclut l'histoire comme elle a commencée, avec quelques remarques décalées qui donnent le sourire.
W_Wenders
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le 7 mars 2015

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