The Smallest Show on Earth, c'est un peu mon Cinema Paradiso, dans une version dérivée britannique que je considère comme bien plus réussie. L'histoire d'un vieux cinéma décrépi, avec son vieux projectionniste, ses vieilles habitudes, mais totalement dénuée de la charge de pathos nostalgico-larmoyant qui inondait le film de Giuseppe Tornatore. L'angle d'attaque n'est pas ici celui du gamin qui découvre la "magie du cinéma" auprès d'une "vieille personne bienveillante", mais la découverte des coulisses du cinéma dans toute sa dimension artisanale, avec en ligne de mire l'étendue des possibilités offertes pour l'expression de la maladresse des uns et des autres. Ou comment une petite troupe de personnages mal assortis se démène dans un joyeux chaos pour tenter de faire tourner une vieille machine à bout de souffle, à grand renfort de bouts de ficelles.


Tout commence dans une fausse euphorie, tandis qu'un jeune couple pense avoir hérité d'une merveilleuse salle de cinéma suite à la mort d'un parent — ils entendent bien revendre le bâtiment et repartir vivre sereinement dans l'oisiveté la plus confortable. Mais en réalité ils sont désormais les heureux propriétaires d'un taudis insalubre, criblé de dettes, avec trois employés assez âgés et aux portes de la sénilité. Le cinéma s'appelle "Le Bijou" (in French dans le texte), l'unique salle est dans un état calamiteux, et ils vont devoir lutter car un grand patron local souhaite racheter l'immeuble pour une bouchée de pain afin de le démolir et en faire un parking. Seule solution pour eux : rouvrir le cinéma, et montrer que c'est un lieu encore tout à fait enviable.


Basil Dearden combinait à l'occasion de Sous le plus petit chapiteau du monde ce mélange de comédie et d'austérité d'après-guerre si particulier, comme si le néoréalisme italien s'était mélangé à l'humour deadpan britannique en cette année 1957 pour étayer les prémices d'un discours que Peter Bogdanovich complètera dans The Last Picture Show. Le film pourrait aussi se concevoir comme une parodie de la méga-production signée Cecil B. DeMille sortie quelques années auparavant, Sous le plus grand chapiteau du monde (aka The Greatest Show on Earth, 1952), mais le duo formé par Virginia McKenna et Bill Travers fonctionne très bien au-delà du parallèle, avec une toile de fond bien organisée autour des personnages secondaires — parmi lesquels on discerne un tout jeune Peter Sellers (vieilli pour l'occasion). L'émotion des anciens employés à l'annonce de la réouverture de leur cinéma trouve un écho jovial et décalé dans les séquences où, alors que la salle est comble, un train passe tout proche et remue les fondations du bâtiment : tout le monde prend le spectacle de ce cinéma particulièrement immersif à la rigolade, sauf peut-être le projectionniste qui reste agrippé à son matériel. C'est en ce sens une très belle déclaration d'amour sans nostalgie mielleuse au cinéma à l'ancienne, maladroit, rouillé, mais à la dimension artisanale sincère et émouvante.


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Morrinson
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le 14 févr. 2024

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Morrinson

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