C'est une évidence, c'est communément admis, le film de Pialat est une très bonne adaptation du roman de Bernanos, très fidèle à l'ambiance
J'en conviens facilement, Et la première moitié du film montrera en premier lieu la volonté de Pialat de porter le texte de Bernanos, principalement les dialogues, denses, complexes, magnifiques qui font toute la profondeur du roman initial.
Je trouve assez admirable le contraste entre un Depardieu austère comme Denissan immobile, bougeant peu , souvent filmé de près et une Sandrine Bonnaire exubérante, collant tellement à l'image de fille d'une famille nouvellement riche et qui s'ennuie ferme dans un carcan social que Bernanos cherche à donner. La révolte de Mouchette est bien plus profonde que ce que son aspect de fille qui s'amuse avec passion laisse deviner
Difficile d'imaginer un jeu plus adapté pour chacun.
Le choix des scènes jouées est également très judicieux, permettant un choix des confrontations essentiel, car encore une fois, tout n'est que dialogue tourmenté ici, tout en servant une certaine cohérence interne au filme.
En revanche les références aux scènes coupées et au reste de l'histoire me semblent insuffisantes, et si on a pas lu le livre, on doit un peu galérer à saisir ce qui se passe
Ma critique majeure sur l'adaptation de Pialat porte sur un détail du scénario qui a mes yeux change la perspective de l'œuvre, et la rend notablement (encore) plus sombre
Dans le roman : c'est Mouchette mourante qui demande à Donissan de la porter dans l'Eglise.
trompée par Satan, c'est LA victoire de Dieu dans le livre, la conversion in fine de Mouchette qui veut mourir en chrétienne. Donissan, avec son courage habituel et son mépris du regard des autres ne fait que le choix (courageux) de le lui permettre
La disparition de cette simple phrase dans le film, de la demande de Mouchette, rend complètement étrange le comportement de Donissan, et surtout enlève cette victoire du bien, la plus éclatante dans le roman.
Alors oui, Donissan résistera quand même à la proposition d'omniscience de Satan, oui la fin du film est beaucoup plus douce que celle du roman, et les ultimes questions torturées étant sans doute trop longues pour le cinéma, et surtout c'est vrai l'abbé Donissan reste une très belle figure de dévouement, d'ascèse et de fidélité. Mais dans un film qui parle surtout de Foi et de Salut (et de péché et de perdition), la place accordée aux puissances respectives de Dieu et du démon ne me paraît pas anecdotique
En bonus, la brève analyse de la nomination à la palme d'or du film, et commentaire de Xavier Leherpeur, sur la chaine you tube de Sens critique : https://www.youtube.com/watch?v=3cQqMdjWPso