Cinéaste 2.0 : je mets tout ce que j'ai dans la tête dans ce scénario et je vois si ça fait un film
Kelly nous a tartiné un énorme délire métaphysique où il a mélangé tout ce qu'il trouvait cool sous prétexte de rendre hommage à la culture pop : héros schwarzeneggeresque, prophétie, dobeul-Stifler, plages californiennes, gros pistolets, méchant énigmatique chelou avec un tatouage sur la gueule, faille spatio-temporelle, apocalypse, éco-terrorisme, néo-marxisme lesbien, musique de Moby... J'ai pas l'impression qu'il y ait eu beaucoup de discipline lorsqu'il a écrit cette intrigue. Enfin bon, quand c'est un tel bordel, on n'arrive même plus à savoir si c'est pensé ou si c'est juste n'importe quoi.
"Bon, il a fait un carton avec Donnie Darko, teen-movie à la Lynch du pauvre saupoudré de musique New Age, pourquoi pas lui filer carte blanche pour sa prochaine recette ?" se sont dit les producteurs. "Allez mon con, on regarde pas, réalise ton truc et ameute-nous un maximum de fans de Star Trek !" (Désolé, si je m'égare, ça me VÉNÈRE tous les 9/10 que je vois défiler sur ce site...)
Kelly, tout excité, fait passer des castings à des ringards pour faire comme Tarantino, en rigolant d'une voix aigüe. Résultat des courses : The Rock, Sarah Michelle Gellar, Justin Timberlake, Christophe Lambert... Et tout ce beau monde va aller à CANNES. Là c'est sûr, ce film va être le nouveau 2001.
C'est l'heure des projections, les mecs se disent "là il y va fort le Richard, trop fort pour nous, simples producteurs... on va voir ce qu'en disent les péteux de Cannes". À Cannes, tout le monde a l'impression que c'est de la merde. Et puis quelques mois plus tard, les producteurs se disent "bon d'accord, on va le faire direct-to-DVD parce qu'il nous a vraiment fait n'importe quoi".
Le DVD sort. Patatras, l'intelligentsia de tout poil qui a envie de faire chier la masse et montrer qu'ils aiment ce que tout le monde pense qu'ils vont pas aimer parce que ça a une tête à être aimé par ceux qui sont censés ne pas aimer s'emballe. CHEF-D'OEUVRE LES COPAINS. Les arguments, ça y va. "Génie conspué, post-modernisme post-9/11, anti-Bush (OH MA GAD !!), The Rock crédible à donf, on comprend rien mais c'est bien, effets-spéciaux affreux mais c'est fait exprès..." En tête, ce sont les nombreuses analyses politique et philosophiques qu'on en fait, comme si Kelly était le premier original à faire une critique du bellicisme américain, du capitalisme ou de la pollution.
Bref, tout le monde voit ce qu'il veut dans cette bouillie. Pour ma part, je vois juste l'énorme craquage de slip d'un réalisateur qu'on a un peu trop vite encensé. Et qu'on continue malheureusement d'encenser par pur snobisme.
(Et qu'on arrête de dire que Southland Tales est lynchesque ! Lynch, lui, il sait comment faire un montage correct.)