Southland Tales est sans aucun l'une des oeuvres qui nous montrent de la plus belle façon que se fier uniquement à la critique et l'avis majoritaire du public, c'est prendre le risque intolérable de passer à côté de véritables petites perles. Car après avoir été quasi unanimement hué par la presse cannoise et renvoyé en salle de montage pendant de longs mois, Southland Tales est finalement sorti pour devenir le bide le plus retentissant et le film le moins rentable de l'histoire du cinéma (18 millions de budget pour 300 000 dollars de recettes). Et pourtant Southland Tales est un grand film. Un magnifique chef-d'oeuvre, même.
Je ne suis pas spécialement un grand amateur de Richard Kelly : Donnie Darko m'a laissé plutôt froid, et The Box, s'il est agréable à regarder, n'arrive jamais à s'affranchir d'un classicisme narratif qui l'empêche de dépasser le cadre de simple film de commande mineur (ce qui est fort compréhensible, après l'échec commercial de Southland Tales). Alors pourquoi Southland Tales me procure-t-il cette émotion si particulière et si unique à chaque visionnage ? Si je ne peux toujours aujourd'hui répondre avec exactitude à cette question (ce qui apparaît déjà comme une preuve de la grande qualité du métrage), je pense pouvoir toutefois affirmer que ce qui me fascine tant dans le film de Kelly, c'est qu'il traite de l'humanité comme peu de cinéastes sont capables de le faire.
Southland Tales est un film somme et paradoxal : à la fois satire politique adolescente et relecture pop de l'Apocalypse, série Z de la pire espèce et exploration si complexe de ce qui fonde notre humanité, il associe sans cesse bouffonade du plus mauvais goût et moments de grâce pure. Partant d'un pitch ridicule, fourmillant de sous-intrigues qui s'imbriquent péniblement, le film est vraiment difficile à suivre, et disons-le clairement, totalement indigeste. Et pourtant, c'est bien ça qui le rend si incroyable : car Southland Tales est une peinture du chaos humain. Chaque personnage et chaque scène, aussi futile puisse-t-elle paraître, est une touche de pinceau du maître qui a cette idée folle de représenter l'humanité tout en ayant conscience de l'absurdité essentielle de son projet.
La bombe qui explose dans la première minute du film n'est finalement autre que celle qui fait éclater l'esprit humain et le fait jaillir hors du vernis mensonger de la normalité : l'humanité est alors montrée dans ce qu'elle a de plus pur, tantôt grotesque, tantôt sublime, souvent les deux à la fois (le point d'orgue de cette démarche étant cette danse magnifique de Justin Timberlake en plein coeur du métrage, si bizarre et si belle, nous faisant valser au coeur d'une palette d'émotions aussi étranges qu'inattendues). La bande-son et le casting (littéralement transfiguré) viennent soutenir à la perfection cette recherche du sublime humain, qui perce à de nombreuses reprises lors du film, sans que l'on s'y attende ou même que l'on ne s'en rende compte.
Southland Tales est un film dans lequel il faut se plonger entièrement, sans préjugés, sans retenue, car c'est une oeuvre qui parle à l'âme. Southland Tales est le cinéma vrai. Southland Tales est une merveille.
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