Aux rêveurs. C'est en effet à eux que s'adresse le film. Au départ, une série de situations et de postulats improbables : une ancienne gloire éphémère de la variété, lumineuse Isabelle Huppert, déchue, devenue alcoolique, et gagnant dans une usine de pâté de quoi traîner son existence à présent solitaire. Un "joli garçon" - comme le dira la chanson qu'elle lui consacrera - passant par là, Kévin Azaïs, solaire, une délicate fossette creusant le bas de ses joues amincies. Entre eux, l'étincelle, la reconnaissance : il était fan de la chanteuse Laura que cette Liliane a fugacement été, tout autant que son père, et sous l'œil évidemment réticent et désapprobateur de leur mère et épouse.


"Entre nous, ça n'aurait jamais marché", tente de conclure, raisonnablement, Liliane-Isabelle à l'approche de la fin du film. Mais la voix de la raison n'est décidément pas celle que le jeune réalisateur flamand, Bavo Defurne, a décidé de faire entendre : jusqu'à l'ultime image, il a pris avec détermination le parti des rêves, pas celui des rêves qui endorment et paralysent, mais celui des rêves qui propulsent et permettent d'aller de l'avant. Sous sa caméra, dans des couleurs saturées et un univers pailleté, toutes les cloisons seront abattues et tous les rêves s'affirmeront comme possibles, malgré les cahots de la route.


Le réalisateur utilise très habilement la faille qui, de film en film, zèbre la personnalité de son actrice principale, ce vide, cette distance tellement grande qu'elle en devient absence à elle-même. Le regard d'Isabelle Huppert s'anime et vibre au contact du jeune homme, encore un peu enfant, qui prétend lui redonner vie, plonge et se régénère dans les yeux "saphir" qu'elle chantera. De grands yeux de rêveur qui contempleront leur idole remontée sur scène et s'acquittant fort honorablement de son tour de chant, d'une belle voix un peu grave et par moments sur le souffle, mais très juste. Les gestes sont un peu mécaniques et les chansons parfaitement désuètes, mais ce ne sont que des détails que l'on peut choisir d'écarter, pour se laisser emporter par ce beau plaidoyer pour la puissance d'affirmation du rêve.

AnneSchneider
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le 27 déc. 2016

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Anne Schneider

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