J'ai longtemps repoussé le visionnage de "Soy Cuba", qui était dans mon esprit, étiqueté : "film cité dans les écoles de cinéma, sympa 5 minutes, mais relou sur 2h". Quelle erreur de ma part !
J'avais évidemment vu quelques extraits, notamment de ce plan séquence dans lequel la caméra descend des immeubles entiers pour terminer au fond d'une piscine. Mais j'étais loin de me douter que tout le film serait de cet acabit !
Souvent dans la liste des films qui ont révolutionné la manière de faire du cinéma, on reconnait la prouesse pour l'époque, mais ça reste des procédés qui ont vieilli ou bien on qu'on a vu 1000 fois depuis. Le Cuirassée Potemkine, Vertigo, à bout de souffle, Citizen Kane, etc... Sans le contexte de l'époque, on est en droit de se demander ce que ces films ont de plus que les autres. Mais Soy Cuba est une exception. Le film a au moins 50 ans d'avance, et encore aujourd'hui il reste résolument moderne.
Le film date de 1964, longtemps avant l'invention de la steady-cam, du drone ou des bras robotique. Des décennie avant les grands angles de Terrence Malick, Iñárritu et Alfonso Cuaron. Et pourtant le gars te sort des plans d'une virtuosité que j'ai rarement vu auparavant ! La caméra virevolte, danse autour de ses personnages, s'envole, traverse les foules et les rues. Et ce n'est pas juste un caprice esthétique. Avec la musique, les décors et les figurants, la caméra participe à créer un film fiévreux, incroyablement rythmée, toujours en mouvement. Comme une improvisation de jazz de 2h20.
C'est surtout sur le fond que l'on pourrait faire des reproches à "Soy Cuba". Ca reste un film de propagande soviétique. Mais en cela, le film est d'autant plus fascinant. Que l'on soit adorateur du Che ou un fervent opposant au régime de Castro, Cuba reste un pays fascinant. Un pays avec une culture, un histoire, une musique unique. Et pourtant, c'est un pays qui est resté relativement absent de l'histoire du cinéma. Et très franchement, pour un film de propagande, je m'attendais vraiment à quelque chose de plus grossier. Il m'a été donné de voir des films tout autant propagandiste côté américain.
Mon seul regret est que, bien que le noir et blanc soit magnifique, je ne peux pas m'empêcher de penser que la couleur aurait été la touche finale de cette orgasme visuel qu'est Soy Cuba. Imaginez le bleu du ciel, le rouge des robes et le vert de la canne à sucre, en technicolor ! Quel Kiffe !