L’immigration on en entend tellement parler qu’on a l’impression de savoir ce que c’est, alors qu’au fond il y a autant d’histoires différentes que d’immigrés.
Soy Nero a l’avantage de nous plonger dans le vif du sujet en traitant l’histoire d’un jeune homme dont on va découvrir le parcours et les motivations par à coups.
Il veut passer le mur qui sépare le Mexique du rêve américain, et quand il explique qu’il ne cherche qu’à retourner là où il a grandi, on croit à une fable, tant ça semble peu crédible. Ce n’est qu’en le répétant plusieurs fois qu’on comprend que c’est réellement la tragédie de ce jeune.
Elevé aux Etats-unis, exclus dans un pays d’origine qu'il n'a jamais connu et qui ne le reconnait pas, mû par la volonté de conquérir sa nationalité, son identité, américaine.
Pour obtenir son graal: la reconnaissance de la part de la patrie des possibles, il sait qu’il faut s’engager dans l’armée.
Comment peut-on avoir pour unique but d’aller faire la guerre pour gagner le droit de vivre à un endroit?
Sans doute parce que justement on n’est légitime nulle part, et qu'il faut se prouver et prouver à tous qu'on a gagné le droit de revendiquer son appartenance à une entité.
Ce déracinement permanent est sans doute le point commun que partagent tous les immigrés, et on a presque honte de se dire qu’on peut rentrer au chaud chez soit (un peu trop chaud en période de canicule) pendant que d’autres ne savent même pas où se trouve leur “chez eux”.
Soy Nero a donc un thème aussi actuel et cru qu’absurde, et tente de le traiter sobrement.
A vrai dire c’est presque réussi: beaucoup de passages sont marquants, de nombreux dialogues font sourire et permettent de faire redescendre la pression.
Une foule de bonnes choses qui malheureusement sont abîmées par un rythme lent, par des plans qui n’en finissent pas, des cadrages volontairement étriqués qui nous donnent l’impression d’étouffer.
Si bien qu’on a toujours l’impression que le film prend son élan mais peine sans arrêt à s’envoler, et pourtant on aimerait partir avec lui.
Et puis surtout, un héros auquel on aimerait s’attacher davantage mais dont on semble s’éloigner sans arrêt: ses collègues de guerre sont mieux exploités que lui, enfermé dans une sorte de mutisme permanent.
La solitude du personnage traverse le film de part en part, renforçant son aspect froid, et au final on ne sait plus si on est révolté de la situation de Nero et de tous ceux qu’il représente, ou juste exaspérés de cette course qui n’en finit pas.
La froideur du film est volontaire mais elle m'a dérangée, et j'aurais vraiment aimer m'attacher davantage à Nero mais je n'y suis pas parvenue.
Un film nécessaire, sur un sujet marquant, mais malheureusement trop long pour m’avoir totalement envoutée.
Par contre le réalisateur explique très bien son film est le soin qu’il y a apporté, on sent l’humanité qui l’anime, l’amour qu’il a mis dans ce projet, et son envie de partager sur des situations complètement absurdes dont notre époque a le secret.
Un personnage passionnant et passionné, comme souvent le réalisateur est le meilleur des agents pour son propre film.