Le titre français porte bien son nom : il s’agit d’un film sympa.
Sorte d’invitation à la fabrique de ses films, le récit force donc deux gentils losers à retourner des films effacés par erreur, avec les moyens du bord. Si le prologue est un peu long à se mettre en place, notamment focalisé sur un Jack Black en roue libre (phobique des ondes, complotiste et magnétisé dans une centrale électrique…), toute la partie centrale fonctionne à plein régime. En jeu, deux lignes de fuite : celle d’une revisite des chefs d’œuvre du cinéma suédés (néologisme assez génial et totalement improbable accolé aux films revus et bricolés, et qui ont donné lieu à la fortune des amateurs sur youtube depuis… ), usine fébrile à idées bricoleuse, ode à l’inventivité poétique. Le plan séquence enchainant les séquences maitresses de 2001, l’Odyssée de l’espace, King Kong ou Carrie est à lui seul un petit chef-d’œuvre, saturé de clins d’œil et d’hommages. L’autre quête, plus discrète, est celle du personnage joué par Danny Glover, décidé à sortir de la ringardise dans son immeuble voué à la démolition pour être standardisé et sa boutique de location de VHS. C’est donc une visite de ce que devient le monde, formaté, en numérique, d’un avenir aseptisé où le cinéma propose moins de diversité, par des gens en uniforme qui n’y connaissent rien. Ce goût très tarantinesque de la cinéphilie comme travail de mémoire (qui lorgne aussi du côté du non moins sympathique Clerks) irrigue tout le film qui prend dès lors les allures d’un conte. Convoquant les grandes œuvres du 7ème art comme les plus populaires (de Ghostbuster à Robocop), le rap et le jazz, Michel Gondry valorise l’esprit communautaire. Travail collectif, maelstrom culturel, retour aux sources par l’histoire de Fats Waller, c’est aussi une défense passionnée de la fiction, ce mensonge salvateur dans lequel se projettent toutes les tendresses humaines.
Rembobiner : un programme qui pourrait sembler réac et passéiste, mais qui ne glisse jamais sur cette pente, en évitant de même les excès inhérents au conte, à savoir un happy end qui verrait le rouleau compresseur capitaliste vaincu par les bonnes âmes. La dernière image est celle d’un envers d’une très belle symbolique : la toile sur laquelle le film était projeté pour les happy few à l’intérieur du vidéoclub est scrutée par le quartier entier de l’autre côté de la vitrine. Ce thème du message lisible dans les deux sens traverse tout le film : par le message cryptique de Fletcher sur la vitre du train, un temps illisible pour les deux écervelés, dans le travail sur la structure du film sur Waller lorsqu’on envisage de commencer par sa mort, et que le personnage de Black demande s’il faudra alors parler à l’envers, et enfin par la structure du méta-film lui-même, puisqu’il commence par les extraits du projet final des protagonistes sur Fats Waller. Gondry l’affirme donc avec malice : rembobiner, certes, ne pas s’adonner à l’idolâtrie d’une modernité insipide, mais pour mieux agir, fédérer un inventer ensemble une vie un peu plus savoureuse.
(6.5/10)