Le Petit Détournement
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Harry Potter, Matrix, Mad Max: Fury Road, Batman et les membres honoraires de la Justice League. Casablanca pour les plus « érudits ». Bien d’autres encore. Le plan situé à l’entrée d’un vaste parc d’attractions pour s’amuser sur les manèges, en famille ? Pire, l’interface d’une plateforme numérique, sur laquelle on ne joue plus. En famille, toujours, mais chacun derrière son écran. Rejoignez les univers Warner Bros. Achetez. Que vous connaissiez les références faites aux sagas ou aux œuvres évoquées vous conforte dans cette impression de grande culture, de cinéphilie dont l’adjectif même varie en degrés – il est « très » cinéphile », tu es « moins » cinéphile que moi… –, alors qu’il n’en est rien. Les immersions dans les productions Warner n’offrent pas de portes d’entrée vers la culture, elles vous enferment au contraire dans un grand magasin de jouets aux murs recouverts d’écrans. Écrans géants sur lesquels est diffusée, en boucle, la bande-annonce d’un produit de consommation.
Space Jam: A New Legacy représente l’aboutissement cynique de la politique artistique entreprise par le studio américain depuis maintenant des années, déjà visible dans les blockbusters récents (Godzilla vs Kong, Mortal Kombat, Scoob, The Conjuring 3) : ressortir des cartons de vieilles licences qu’il faut réactualiser afin d’en tirer de nouveaux profits. Le produit fini a été préalablement enrobé de ce sucre cancérogène plein de couleurs et de second degré stérile, il n’en demeure pas moins nocif pour la santé mentale des spectateurs. Deux niveaux se superposent ici : d’une part, un récit de filiation médiocre qui rejoue une fois encore le conflit entre un père aveuglé par le basket et un fils cassé dans ses élans créatifs – oui, il souhaite créer un jeu vidéo sur le basket, vive la création –, dépourvu de mise en scène et piètrement interprété ; d’autre part, une plongée dans le monde des Looney Tunes, puisqu’il s’agit d’en ressusciter les figures emblématiques.
Ce second niveau aborde ses personnages comme des énergumènes qui hurlent et sautent dans tous les sens sans raison aucune, sinon pour ravir l’attention d’un public toujours plus déconcentré et débile à force d’ingurgiter des films fast-food. L’allure des tunes ressemble à des peluches ; on se surprend d’ailleurs à chercher l’étiquette de prix lorsqu’ils s’agitent sur le terrain de basket. Il y a donc dénaturation, et celle-ci ravage davantage l’œuvre de Chuck Jones que ne le faisait le premier opus, tout juste passable au demeurant. On est loin du formidable Looney Tunes: Back in Action que signait Joe Dante en 2003.
Rien à sauver de ce New Legacy honteux qui n’a pour seule ambition la commercialisation à l’international de la plateforme HBO Max – attendue comme le messie en ce qu’elle éviterait à l’avenir de changer ce temple qu’est le cinéma en une Babylone moderne gorgée de bêtise et d’art prostitué.
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le 18 juil. 2021
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