Auréolé de 11 nominations aux Edda Awards (Césars islandais) « Sparrows » signé par Runar Runarsson est incontestablement l’un des films majeurs traitant de ce difficile cap qu’est le passage entre adolescence et vie adulte. Se situant dans la lignée d’un « Virgin suicide » de Sofia Coppola (par son côté dépouillé) ou d’un « Paranoid park » de Gus Van Sant (certains cadrages ou gros plans) Runarsson nous entraîne presque nonchalamment, c’est au moins ce que l’on croit au départ, à la rencontre d’Ari, jeune garçon un peu effacé. Jusque là, rien de bien novateur.
Seulement voilà, Ari vit à Reykjavik et, parce que sa mère part voyager en Afrique avec son nouveau mari, il doit s’installer chez son père qu’il connaît peu et qui habite au nord de l’île, autrement dit le désert. Sa vie va être bouleversée et va alors affronter un parcours initiatique à rebours, un retour sur les terres de l’enfance presque hostiles, éloigné de tout et de tous. Il entre dans une ère glaciale, celle de la régression.
Toute l’habilité du scénario tient à cela. Chaque jour passant, Ari, contraint, finit par s’adapter. Et même s’il abhorre ce lieu, ce père dépravé, il n’a pas d’autre choix que de subir. Un mimétisme de circonstance le poussera au sacrifice, celui de se confondre dans cet univers, son avenir sans promesse se calquant sur le passé de ce père déclassé. L’affiche est dans ce sens extrêmement évocatrice (tout comme la scène finale d’ailleurs).
Cette ambiance accablante et pourtant si touchante est accentuée par un savant travail sur la photo et le son. En utilisant le phénomène des latitudes nordiques (il fait presque jour en pleine nuit) Sophia Olsson, la chef’op, intensifie cette perte de repères d’Ari. Ses éclairages diaphanes ou blafards donnent un sentiment de d’effacement irrémédiable. Servant également et admirablement la narration, les bruitages, comme ceux accentués du quotidien qui martèlent un peu plus le vide, ou ceux soulignant durablement une action même hors champs (la scène clé), auxquels Gunnar Oskarsson apporte toute la dextérité nécessaire.
Runar Runarsson a su s’entourer d’une équipe technique extraordinaire mais n’en démérite pas pour autant. Il donne à son film brillamment construit un vrai sens passionnel et nous livre des scènes à tomber, le chant d’Ari (il faisait partie d’une chorale) dans une cuve, celle où il retrouve sa chambre d’avant, ou encore la scène d’amour où le jeu de miroirs n’a de cesse que brouiller les sens entre pudeur et crudité. Runarsson habite son film !
Toutes ces qualités ne pourraient se suffirent à elles-mêmes sans la présence d’Atli Oskar Fjalarsson dans le rôle d’Ari que Runarsson avait déjà fait travailler dans un des ses courts. Sa longiligne silhouette, ce visage poupin, sa maturité de jeu et cette présence sont incroyables. C’est l’une des plus belles révélations de ces dernières années et je gage que ce ne sera pas l’acteur d’un seul film… Une carrière à la Mads Mikkelsen ? J’ose l’espérer !