L'amitié a parfois du bon. Peu satisfait de la façon de travailler d'Anthony Mann, le comédien Kirk Douglas, à l'origine du projet et vedette du film, demanda à Stanley Kubrick, avec qui il avait travaillé sur le magistral "Les sentiers de la gloire" de le remplacer, permettant ainsi au futur réalisateur de "Lolita" de mettre un pied à Hollywood (et de le retirer juste après), ce qui aidera considérablement pour la suite.
Visiblement peu concerné par ce qu'il filme et ne goûtant pas franchement le système hollywoodien, Stanley Kubrick fait tout de même le boulot et emballe sa commande avec soin, filmant le tout avec une réelle efficacité, bien aidé qu'il est par les énormes moyens mis à sa disposition et par une reconstitution de toute beauté, ce qu'il fallait bien pour mettre en images la mythique révolte d'esclaves face à l'empire romain.
Un prétexte surtout (si l'on considère le peu d'action du film et une bataille expédiée) pour dépeindre la Rome antique dans toute sa décadence, le véritable intérêt du film étant d'observer les coups bas et les luttes de pouvoir d'hommes tout puissants jouant avec la vie des autres comme s'il s'agissait de vulgaires cailloux. Le film de Kubrick étonne ainsi par l'odeur de souffre qui en émane, le cinéaste peignant quelques tableaux purement apocalyptiques incroyablement violents pour l'époque (le champ de bataille jonché de cadavres) et surtout, le film contenant une belle poignée d'allusions sexuelles à peine voilées (les messes basses des deux nymphes face à l'éthiopien ne trompent personnes, tout comme le dialogue sur les huitres et les escargots), éléments sulfureux d'ailleurs sabrés au montage à l'époque.
Bien que franchement longuet et avare en batailles sanglantes, "Spartacus" n'en reste pas moins une commande réalisée avec talent par un Kubrick peu coutumier du genre, une épopée étonnamment sexuée s'achevant sur un final inoubliable et portée par le charisme flamboyant de Kirk Douglas.