Un chemin qui mène aux roms
Une fois encore c’est un documentaire qui nous réserve une belle surprise en triturant de manière poétique et organique le réel, fût-il le plus terrible. L’histoire de Spartacus et Cassandra, deux enfants roms, n’a en effet rien d’idyllique ni d’un long fleuve tranquille. Enlevés à des parents manifestement incapables de les prendre en charge, même s’ils continuent à les voir, devant faire avec leurs pleurs et leurs lamentations, les deux enfants sont recueillis par Camille, une artiste de cirque, passionnée de culture tsigane, qui a monté un chapiteau éphémère dans un camp rom. Le passé fait d’humiliations, d’expulsions et de privations, mais plus encore de relations compliquées et déstructurées avec les parents encore à la rue, pèse lourd sur Spartacus, garçon intelligent qui supporte mal les rigidités du système scolaire, et sur Cassandra, davantage affectée par l’éloignement de ses parents.
Là où tout était réuni pour se vautrer dans le pathos et l’apitoiement, le film du réalisateur Ioanis Nuguet transforme cette trajectoire chaotique en marche vers l’espoir. Ponctué des monologues interrogatifs, aussi profonds que pétris de bon sens, des deux enfants, le film, partagé entre Paris et la campagne où Camille monte un nouveau projet, adopte la tournure d’un conte élégiaque dans lequel les éléments, notamment l’eau, prennent une place importante. La poésie et la grâce de l’art circassien dispensé par l’énergique et douce Camille imprègnent ainsi la texture d’un film également sensoriel et sensuel. Un très beau film, fruit d’un travail de trois années, auprès de Spartacus et de Cassandra, deux enfants touchants qui vont enfin avoir le droit de vivre leur enfance, tout en prenant une distance salutaire avec les parents.