Boarf… l’exemple type du remake hollywoodien con et aseptisé, pour public perçu comme (?) incapable d’apprécier un truc un peu plus déviant que la moyenne (et j’insiste sur un « un peu », on parle pas là de remaker Salò non plus).
Comprendre que la première heure de ce Speak No Evil recycle sommairement celle de l’original… mais en moins bien : si les péripéties, et plus globalement la majorité des scènes, sont sensiblement les mêmes (à quelques ajouts et variations près – parfois incompréhensibles d’ailleurs), toutes sont invariablement plus courtes et moins efficaces, le génie à la barre de ce remake n’ayant visiblement pas compris ce qui faisait la force/le charme (appelez ça comme vous voulez) de l’original – à savoir sa capacité à créer du malaise et à faire naître l’inquiétude, à partir de situations pour certaines très classiques au départ, lors de scènes étirées ce qu’il faut pour que cela fonctionne. Ici, toutes les scènes un peu marquantes de l’original sont moins bien, essentiellement parce que plus brèves.
Je ne me lancerai évidemment pas dans un exercice de comparaison des scènes clés entre les deux films avec un chrono, mais dix balles que toutes sont effectivement sensiblement plus courtes dans celui-ci, avec moins de dialogues, mais aussi (et surtout ?) moins de blancs ; et ainsi, dans une optique d’efficacité narrative j’imagine (pour s’aménager le temps nécessaire pour son dernier acte – et on y vient), ce remake perd complètement en impact. Et le fait, ironiquement, en étant pourtant plus balourd (genre pour bien te faire comprendre que le daron invité est un zeta, on te rajoute ici une histoire de tromperie castratrice de la part de sa femme).
Histoire de tromperie qui débouche d’ailleurs sur l’une des variations les plus étranges de cette première partie : le passage où la mère invitée retrouve sa fille dans le pieu de leurs hôtes, épisode qu’elle évoque ensuite devant ces derniers au moment de la première confrontation verbale. Dans celui-ci, c’est apparemment à cause de sa dispute avec son cuck de mari qu’elle n’a pas entendu sa fille chialer ; là où dans l’original, c’était parce qu’elle était au contraire trop occupée à se faire bougnader par son mari. Ce qui était bien plus culpabilisant pour elle, et embarrassant à répondre lors de cette confrontation. La scène fonctionnait mieux.
Puis d’ailleurs, toujours dans cette scène de la gamine dans le lit de leurs hôtes, ça fonctionnait de base mieux dans l’original parce que le daron hôte y était cul nul ; là où dans ce remake, il porte un slip. C’est tout con, mais une simple variation d’accessoire change la perception de la scène, graphiquement moins choquante dans celui-ci… mais bon, il fallait apparemment édulcorer ce film pour le public ricain… c’est con, ça devait pourtant pouvoir rentrer dans la classification R, un plan sur un cul nul, non ? Enfin bref… un exemple parmi d’autres de la bêtise et de la pudibonderie de ce remake US.
Puis alors on en arrive au dernier acte, complètement inédit lui, mais de nouveau symptomatique du remake hollywoodien – dans un autre style : comprendre qu’il faut rajouter de l’action (options coups de feu, incendie et explosion – histoire qu’on en ait pour ses dollars) et qu’il faut que ça se finisse bien (parce que ce serait con de respecter l’esprit du film original, dont c’était juste un peu le propos). Donc c’est parti pour un remplacement de la fin « choc » de l’original par un cache-cache baston dans la baraque entre les deux familles. Jusqu’au happy end de rigueur, of course…
Cela dit, si ce dernier acte est évidemment une hérésie compte tenu du matériau original, il a pour lui d’être complètement inédit donc, ce qui permet au spectateur ayant vu l’original (mon cas) d’enfin interrompre le jeu des sept différences – en sa systématique défaveur – et de péter un coup pour enfin profiter, désormais psychologiquement disposé, de ce film nouveau. Et comme ce petit home invasion est correctement branlé (à quelques gerbes de feu numérique près – je m’y ferai jamais, quand est-ce qu’ils arriveront enfin à pondre du feu en CGI convainquant ?), c’est pas désagréable. Mais bon, c’est pas non plus suffisamment rigolo pour être retenu plus longtemps que la séance. Du coup, le bilan est pas glorieux pour autant.
Bref… je résume : un remake plus long mais pourtant plus speed et en conséquence moins efficace ; plus démonstratif mais plus édulcoré ; et s’essuyant sans honte les grolles sur l’identité de l’original qu’il adapte. En clair, un remake qui ne rejoindra pas la liste des remakes notables…
Puis enfin merde, c’est pas comme si l’original avait 20/30/50 ans non plus, et qu’il pouvait rebuter le grand public rétif aux « vieux films » (les fameux)… le danois est de 2022 bordel, donc de hier… et il n’y a donc vraiment aucune raison valable, pour qui que ce soit, de se diriger vers ce remake plutôt que vers l’original !
(qui a dit « je suis allergique au danois » ?)