Enchaîner les 2 versions de Speak No Evil à une semaine d'écart, le moins qu'on puisse dire, c'est une expérience. L'originel, le Danois, est une oeuvre glauque, brutale, nihiliste, ultra efficace. Le remake, l'Américain, lui n'est pas bien. C'est un gâchis monumental.
Pourtant je vous jure que durant les 2/3 du film j'y croyais. Évidemment, James Watkins ne s'est ici de loin pas réapproprié le scénario original, la moitié du long-métrage étant dans les grandes lignes la même. Mais le réalisateur parvient à y mettre un peu sa patte en modifiant les personnages et en déplaçant l'intrigue dans des décors certes un peu clichés mais spatialement intéressants. Watkins en profite aussi pour rendre cohérent certains points qui avaient mis ma suspension d'incrédulité à rude épreuve dans la version danoise. Des scènes de malaises sont rallongées et de nouveaux dialogues y sont injectés, souvent délivrés par un James McAvoy méconnaissable, qui est au passage de loin le meilleur aspect du film. Genre de redneck écossais, barraqué comme un ours, constamment sur le point d'exploser comme une cocotte-minute, l'acteur en donne pour notre argent... pas comme tout le reste du film.
Parce qu'autant je veux bien accepter un peu de copier-coller et de la réécriture, autant mélanger les 2 sans homogénéité, ça ne marche pas. Pas du tout. Pudique, le réalisateur réécrit complétement certaines scènes et enchaîne avec des scènes qui ne sont plus du tout cohérentes avec le reste. Watkins passe alors complétement pour un idiot, ignorant au passage le propos social de sa matière première pour livrer un film qui parle beaucoup sans n'avoir quoi que ce soit à dire. Pire : il singe même la phrase "culte" de Speak No Evil, comme n'ayant pas compris en quoi elle résumait tout le propos de l'oeuvre.
Mais le pire est à venir, puisque soudainement rattrapé par le cahier des charges de Blumhouse, James Watkins pète les plombs et livre un troisième acte pourri comme un reste d'oignon au fond du frigo. Antithèse totale du matériau d'origine, la confrontation finale est ennuyeuse, se résumant à un home invasion mal branlé, préférant l'action au choc. Alors, j'apprécie l'effort d'avoir voulu faire autrement, mais je ne peux pas m'empêcher de flairer ici la lâcheté pathétique d'un studio américain ayant peur d'aller trop loin, préférant que les spectateurs puissent s'endormir sereinement, comme des bébés, en rentrant du visionnage, en oubliant que c'était justement peut-être l'HORREUR qu'ils étaient venus chercher. Par contre, massacrer pendant 3 minutes de pauvres petits vieux dans leur cuisine dans Halloween Kills, ça par contre c'était ok, hein Blumhouse ? HEIN ? Minable !
Sans faire l'avocat du diable, je veux bien admettre que sans avoir visionné la version danoise, Speak No Evil doit très probablement se tenir un peu mieux. Reste tout de même un thriller fade, dont le seul intérêt est la performance de McAvoy et un poster qui déchire. A part ça, ce film n'a aucune raison d'exister, d'autant plus que l'original est tourné à 90% en anglais... Ok ça a quand même fini par m'énerver ces conneries ! Qu'on lui coupe la langue et qu'il nous foute la paix dans son coin, ce Speak NOTHING !