Présenté en compétition au dernier Festival de Cannes, le dernier film d'Arnaud Desplechin est loin d'être son plus accessible. En plus des quelques scènes de fiction durant lesquelles l'on suit le personnage qu'il a créé et fait évoluer tout au long de sa filmographie, Paul Dedalus, le film convoque également le documentaire, l'essai et l'autoportrait pour nous proposer une oeuvre d'une très grande richesse.
Une large partie du long métrage est en effet consacrée à une vaste réflexion sur le cinéma et sur ce que représente le statut de spectateur pour le réalisateur, mais également pour des intervenants à qui il a décidé de donner la parole.
Ultra théorique, le film en refroidira certainement plus d'un. Une séquence avec Micha Lesco en Professeur des Universités, par exemple, nous raconte de manière éclairante que le passage du théâtre au cinéma correspond dans l'Histoire à l'introduction de la démocratie participative. Ainsi, de la même façon que chaque électeur déléguait désormais son vote à un député, le spectateur déléguait son point de vue au réalisateur. Ce point de vue ne dépendant plus, comme au théâtre, de l'endroit à partir duquel il appréhendait le spectacle depuis la salle. Passionnant.
Voilà donc le genre de pensées développées tout au long de ce film tout à fait singulier qui fait se mêler interviews et souvenirs personnels à des extraits de films cultes, illustrant la richesse de ce média qui nous réunit tous ici et nous fait tant vibrer.
Dans les passages fictionnels, l'originalité réside dans le fait que l'on suit le personnage mythique de Paul Dedalus interprété par cinq acteurs, à différents moments de sa vie. Parmi eux, l'on est heureux de retrouve le jeune Milo Machado-Graner qui nous avait impressionné dans Anatomie d'une Chute.
Spectateurs ! est donc un film qui assume totalement son côté "intello" et foisonnant mais une belle déclaration d'amour au cinéma qui parviendra malgré tout à toucher les plus passionnés de par la finesse de son propos et la nostalgie véhiculée par les images qu'il convoque, qui donnent envie de se précipiter dans les salles pour toujours plus d'émotions.