L'Ombre d'un Doute
Revoir ce second opus de la saga Spider-Man vu par Sam Raimi a, en plus d'éveiller tout plein de merveilleux souvenirs, eu l'effet d'une sacré claque, celle d'un film que je n'attendais pas, et dont...
le 28 déc. 2017
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Il m'est arrivé de tomber amoureux devant un écran, avec tout ce que ça implique d'innocence, de mièvrerie et de sincérité (tout cela mélangé, sinon ce n'est pas du jeu). Mais tomber amoureux plusieurs fois de la même comédienne, comme au premier jour, seule Kirsten Dunst a ce pouvoir sur ma petite personne. Quand j'y pense, ça a commencé avec Jumanji. Oh bien sûr, Robin Williams, la fabrique de chaussures, le mystère, l'aventure, tout ça dans une banlieue comme je m'y balade depuis toujours avec tonton Spielberg, ça m'a parlé. Mais quand trois, quatre personnages étaient à l'écran, déjà, je ne voyais qu'elle. J'ai dû rater la moitié des rebondissements à cause de sa présence. J'étais gosse, et une fois ado, c'est Spider-Man qui a confirmé ma faiblesse.
Elle est entrée dans le champ et le monde s'est arrêté. Je voulais être Spider-Man, et pas pour les super pouvoirs. Je voulais être Peter Parker, et ce malgré son quotidien de victime. Je voulais rentrer chez moi, regarder chez le voisin et la voir au pied des marches. Il faut dire qu'entre-temps, on s'était recroisés dans les années 1970 elle et moi. Elle vivait avec ses quatre soeurs et des parents autoritaires, dans une bulle mélancolique appelé The Virgin Suicides. Forcément, depuis, j'ai toujours peur de la voir mourir une seconde fois. Qu'elle mette fin à ses jours, c'est déjà dur à vivre, alors qu'un salaud de Bouffon vert ose la jeter d'un pont, c'est innaceptable. Sauf qu'un certain Sam Raimi a redonné à mon pop-corn la saveur du danger.
J'ai essayé de me raisonner pourtant. Je m'étais promis d'expliquer combien revoir ce film aujourd'hui m'a fait du bien, combien j'avais du mal à croire qu'il s'agit d'un Marvel. Car il y a de vrais gags au lieu de blagues en plan fixe, parce qu'il y a un personnage pas sexy, pas sûr de lui en tête d'affiche, et parce qu'il se fait symboliquement crucifier. C'était un peu lourd à l'époque. Depuis j'ai vu Iron Man 2, où le héros pisse dans son armure et prend la pose dans un donut géant. La symbolique de Spider-Man 2, d'un coup, elle passe beaucoup mieux. Ce lien avec les habitants de New-York, cette fraîcheur, cette légèreté dans le découpage, ces poses comics qui donnent l'impression de feuilleter une BD, planqué sous les draps, alors qu'il y a école demain...
Oui, j'aurais voulu parler de tout ça. Mais ce qui me semblait exagéré la décennie passée me crève les yeux aujourd'hui : Kirsten est l'âme de cette suite, comme elle était le coeur du premier film. Elle n'a jamais été aussi belle que chez Sam Raimi, et il choisit son visage pour clôturer l'aventure. Le type nous raconte l'histoire d'un étudiant et garçon de course, rien d'extraordinaire, mais le jeune homme a maille à partir avec un placard à balai récalcitrant, il est incapable de livrer des pizzas à l'heure ou de faire une lessive correctement. Y a vraiment un truc magique dans ces décors de fac, cet appart un peu pourri malgré la vue, ce placard sans rien dedans, et surtout, dans cette envie naïve de tendre la main au public.
Ca tient à rien. Un dialogue entre des cartons de déménagement, la page d'un quotidien d'où surgit Spidey en plein vol, le réveil d'un méchant que Raimi cadre comme une scène horrifique, ombres portées à l'appui, ou encore une série de gros plans sur des yeux, puis des bouches qui hurlent, qui attendent un baiser ou qui sourient, tout simplement. La puissance du quotidien faite blockbuster, transcendée par un style ultra expressif comme on en croise peu à Hollywood. Ce n'est d'ailleurs qu'aujourd'hui que je remarque une nvraisemblance, le parterre de gens venu assister à la démonstration d'Octopus le regardant opérer sans lunettes de protection. Pourtant, impossible de décrocher, de réduire le film à ça.
Car ce salaud de Sam Raimi a certes minimisé la présence de Kirsten, mais c'est pour mieux la mettre sur un piédestal. Côté satire, même dans American Dad ils se sont moqués de ses dents au détour d'un dialogue. Forcément, un sourire ne peut pas être 100% radieux s'il montre un bout de gencive, pas vrai ? Ce que tu peux être bête, Seth MacFarlane. Mais tant mieux, moins on est à aimer Kirsten, mieux je me porte. Et ici, c'est à croire que tout Spider-Man 2 s'est aligné sur son jeu, ses moues détachées, sa gestuelle tout droit sortie d'un film muet. 200 millions de dollars de budget pour tout donner lorsqu'elle est à l'écran. Et quand je dis "tout", ça veut dire le coeur sur la table, à narguer le ridicule.
Sam, je trouve ça déjà beau que tu ne fasses pas de surenchère. Le combat final doit durer quoi, deux minutes ? L'enjeu d'abord, le mouvement ensuite. Car tu cours après la même chose que moi, au fond : la fille d'à côté, cette demoiselle en détresse dont on aurait ri si tu avais pris une once de distance. Tu te payes d'abord un premier final sous les étoiles, pendant que Danny Elfman pose sa partition sur les ailes d'un ange. Et tu balances enfin le vrai climax. Avec un garçon et une fille, rien d'autre, juste elle en robe de mariée sur le pas de sa porte. T'as peur de rien, tu l'as filmée en train de courir de l'église à chez lui, au ralenti, abreuvée de soleil. "I can't survive without you". Longue focale. Dialogue. Que du gros plan. Émotion pure, sans frime aucune.
Kirsten, je t'ai vue en groupie de Richard Nixon, en reine de France, en pom pom girl... Mince, avec toi j'ai même vécu un mariage puis les derniers jours du monde. Les autres regardaient le ciel, moi, je te regardais lui tourner le dos. Même en train d'attendre l'apocalypse, j'aurais tué jusqu'au meilleur des hommes pour être là. Et j'espère qu'un de ces jours, on se rencontrera. J'aurai l'air gêné, tu seras loin du compte. Devant Spider-Man 2, je pense aux admirateurs de Marylin ou d'Audrey Hepburn. Pas les fans, non, les autres, ceux qui les aimaient trop pour parler d'elles, préférant les garder jalousement dans leurs souvenirs.
Et je devine ce qu'ils pensaient, eux aussi, quand ils voyaient un personnage tenter d'apercevoir la belle de l'autre côté de la rue, comme ce pauvre Peter arrivé trop tard au théâtre : "Ne change jamais". Kirsten, tu comptes parmi les raisons qui me font aimer le cinéma, aussi sûrement que si tu étais venue poser une main sur mon visage plutôt que sur celui de Peter. Oui, je sais, dire ça en 2015 c'est cheesy mais il va te falloir l'assumer, si je suis comme ça, c'est entièrement de ta faute.
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le 14 nov. 2015
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