Émerveillement et frustration

Le film d'animation Spider-Man arrivait comme un cheveu sur la soupe fin 2018, son retour fait parmi des séances incontournables de l'année 2023. Ça traite encore du multivers ? Aucun souci, avec lui ça ressemble à quelque chose. Pas comme son homologue live, l'abrutissant No Way Home (au hasard, bien sûr). Alors oui, on y va de bon cœur ! Et on est de plus en plus nombreux, la réputation d'Into the Spider-Verse a bien profité de quatre ans pour se renforcer. À l'époque, Les réalisateurs Bob Persichetti, Peter Ramsey & Rodney Rothman avaient orchestré le Greatest Hits de Spider-Man en un seul film. Le trio a laissé la place à Joaquim Dos Santos, Ken Powers et Justin K. Thompson qui ont la lourde tâche de réitérer l'exploit, voire de faire encore mieux. Dans la grande tradition des suites inflationnistes, Across the Spider-Verse pousse tous les potards au maximum. Bigger, Longer, Stronger.

Généralement, l'épisode central amène à un croisement : responsabilités, sacrifice, choix décisifs. Les scénaristes Phil Lord, Christopher Miller et David Callaham n'ambitionnent pas de révolutionner la formule type d'un numéro 2, juste de la chambouler un peu. Ce qui les pousse à donner plus de place à Gwen Stacy (au point de voler la vedette à Miles Morales), à aborder l'adolescence à travers les parents, puis proposer un antagoniste tout frais et raccord avec le concept de dimensions parallèles puis de confronter le héros à une remise en question déterminante pour lui et ses proches. Le volet pivot offre également son lot de nouveaux personnages excitants, je pense à The Spot, Miguel O'Hara ou encore Hobie, chacun renvoyant à sa manière au dilemme assaillant Morales. L'humour est toujours très présent (même un peu trop), avec quelques échos à Into the Spider-Verse et quelques clins d'œils sympathiques à la franchise Spider-Man. Esthétiquement, Across the Spider-Verse fait presque aussi fort que son prédécesseur avec des styles propres à chaque univers. De l'aquarelle pour Stacy à l'expressionnisme chez le méchant avec une touche S.F du côté du Spider-Man 2099 et un incursion punk (Miguel et Hobie, gros coups de cœur) tout en conservant les fondamentaux Comics chez Miles. De quoi flatter la rétine, voire atteindre l'orgasme visuel dans une dernière partie où tous les enjeux se rejoignent...pour nous laisser sur un cliffhanger.

C'est la différence entre le chapitre 1 et 2, et sûrement la raison de ma préférence pour le précédent. Into The Spider-Verse racontait tout Spider-Man - origines, thématiques, héritage culturel - en deux heures et on pouvait en rester là. Celui-ci amorce beaucoup de belles choses mais donne finalement l'impression de temporiser afin de faire monter la sauce...sans boucler grand chose si ce n'est pour Gwen mais à la va-vite. Pourquoi pas un film d'animation de 3 heures ? Il y a le public, il y a l'envie et la durée n'est pas un problème (on a bien enduré 3 plombes de vide sur Avengers Endgame !). La décision de couper en deux cette histoire semble difficilement justifiable autrement que par nécessité mercantile. Enfin à titre personnel, j'ai beaucoup de mal avec le hip-hop industriel qui parsème la première moitié de l'œuvre, là où le premier arrivait à une bande son plus variée entre rap, hip-hop et compositions de Daniel Pemberton. Faut-il attendre la deuxième partie pour juger Across the Spider-Verse ? Non, encore une fois un long-métrage se tient pour ce qu'il est. En somme, une véritable orfèvrerie conjuguant humour, action et surprises...et manœuvre commerciale dans son dernier tiers. Bien sûr qu'on ira voir le numéro 3, mais c'est un peu frustrant.