En 2018, Spider-Man : into the Spider-verse avait soufflé une bourrasque de renouveau tant dans la narration des films de super-héros que dans l'animation occidentale grand public. Sa suite, déjà annoncé sur deux volets, avec l'immense prérequis de ne pas décevoir ni de se répéter (jamais chose facile quand on voit ce qui est arrivé aux Gardiens de la galaxie). Sur ces deux points, Spider-Man : across the Spider-verse relève le défi haut la main et s'avère un deuxième opus tout aussi génial que le libérateur.

On y retrouve le talent d'écriture du premier film, avec des personnages qui ont tous du temps à l'écran et une vraie consistance. Si en toute logique le premier volet était très axé sur « l'origin story » du héros, celui-ci offre plusieurs niveaux de lecture entre des adolescents qui sacrifient leur jeunesse dans l'exercice de leur double vie et des adultes confrontés à l'exercice de la parentalité. Les multivers sont subtilement agencés scénaristiquement pour ne pas se répéter de manière futile ou artificielle, mais ce complète et s'enrichisse tout en respectant ce « qu'est » Spider Man. Si certains éléments narratifs sont un poil prévisibles, comme la trajectoire de Miguel, le film comporte des tournants scénaristique inattendu qui renforça la foi son mythe fondateur et le dépoussière pour une nouvelle lecture. Outre les éléments précédemment cités, le film propose une réflexion sur le déterminisme et la fatalité en requestionnant le fameux destin du héros de manière intelligente.

Le film et réussit également l'articulation entre son histoire et en quelque sorte sa méta-histoire. Le film se sert brillamment de l'essence de Spider-Man, comics aux diverses et multiples itérations soumises à un même canon — ces fameuses étapes fondatrices — sans tomber dans le fan-service stérile et gratuit. Il construit sur ses citations précédentes une histoire cohérente, consciente et respectueuse des itérations précédentes (du moins celle de Sony) en les enrichissant d'un signifiant nouveau. Que serait Spider Man sans ces fameuses étapes canon qui le caractérise ? Peut-il être le héros que nous connaissons s'il ne traverse pas les épreuves qui l'ont défini originellement ?

S'il fallait citer un point faible dans le film il se situerait plus sur le semi-antagoniste qu’est Miguel, qu'on voit venir à des kilomètres et qui est presque un peu trop méchant et cruel pour un « good guy ». Tout dépend maintenant de ce qu’en feront les scénaristes dans le prochain film. Une faiblesse donc mais un avis pas encore complètement arrêté.

Enfin, on ne peut pas parler de ce film sans évoquer le visuel. Toujours dans ce mélange décomplexé entre animation 3D, références aux comics et culture-pop et même punk, les multivers offrent chacun un champ visuel bien déterminé qui souligne leur richesse autant que leur altérité. Le monde de Gwen, un peu plus pictural et dilué, fonctionne sur un principe de couleurs émotionnelles, qui font ressortir magistralement les émotions par lesquelles passe son père dans leur très touchante confrontation. Celui de Pavitr change complètement de registre et évoque le foisonnement coloré et les illustrations et tableaux indiens, tandis qu'Hobie se réapproprie le style collage des Sex Pistols. Le film poursuit sa liberté formelle et se libère du carcan contemporain de la 3D plus ou moins réaliste pour adopter une forme généreuse, bavarde mais pas chaotique, dynamique et puissante. Les chroniqueurs d'Ecran Large ont parlé de synesthésie, et je les rejoins sur ce point tant le film cherche à associer des sensations visuelles, sonores et tactiles. Si aucun plan n'égale l'incroyable saut dans le vide inversé sur fond de gratte-ciels du premier film, qui reste un de mes plans iconiques, les plans du film font tous honneur à la souplesse et l'agilité de l'araignée, tournant et renversant sans cesse le cadre.

Je suis décidément dithyrambique sur ce film qui démontre qu'on peut faire des grands films populaires, divertissants et bien écrits avec de la profondeur, une créativité sans bornes et de la subtilité. Comme le dit le titre, on est passé de l'autre côté du miroir, pour notre plus grand plaisir.

AlicePerron1
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le 5 juin 2023

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Alice Perron

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