d'abord, comme toujours lorsqu'un blockbuster se passe en Europe, les sites historiques sont avant tout à livrer au grand saccage généralisé : on démolit le centre de Venise (ô rage !), on incendie celui de Prague (ô désespoir !), on explose le Tower Bridge et on dévaste la salle des Bijoux de la Reine à Londres (ô vieillesse ennemie). Si l'on échappe à la liquéfaction de la Tour Eiffel, qui semblait pourtant au programme, c'est pour ne pas que le film soit trop long, sans doute. Le mépris américain pour tout ce qui représente la moindre valeur artistique, historique, humaine, explose une fois de plus tout sur son passage, réjouissant sans doute les ploucs de Caroline du Sud qui voteront à nouveau Trump aux prochaines élections. Good clean fun !
On nous parle dans le film de victimes civiles de ce qui est, une fois de plus, un règlement de compte entre Américains déporté sur un autre continent : comme il ne faudrait pas montrer de sang ni de larmes, qui pourraient choquer le public familial, le carnage reste évidemment totalement hors champ, abstrait. On pleure Tony Stark, le milliardaire et marchand d'armes sauveur de l'humanité, on ne va pas pleurer quelques dizaines de touristes chinois noyés à Venise ou ensevelis sous les décombres à Londres. Du coup, quand le film déplore les fake news et leur impact sur une population crédule accro aux réseaux sociaux, comment dire, eh bien, on ne se sent pas trop d'humeur à sympathiser avec ce genre de propos...
On est politiquement correct, et on nous montre une jolie classe de lycéens américains qui inclut une riche variété de couleur de peaux, et de religions (le voile, c'est cool aux USA, tout le monde le sait). Le gamin obèse d'origine étrangère a même le droit de "sortir" avec la poupée américaine blonde, mais on nous fait comprendre à la fin, que, en tout bien tout honneur, il ne s'est rien passé de grave entre eux, et qu'ils se seront séparés bons amis avant que l'irréparable soit commis. Mais tout ce politiquement correct n'empêche nullement le racisme bien ordinaire : entre les Mexicains miséreux qui errent dans le ruines de leur ville détruite et n'ont clairement pas grand chose d'humain (ou qui mérite qu'on les filme...), et les Hollandais - fans de "soccer" - qui sont visiblement le peuple le plus bête sur terre, mais qui sont tellement sympathiques qu'on peut bien écraser leurs tulipes qu'ils ne s'en offusqueront pas (doublés avec "l'accent belge" dans une VF qui enfonce - sans doute involontairement - bien le clou...), "Spider-Man : Far From Home" ne fait pas dans la dentelle. Une fois encore, il est étonnant que nous, Français, ne passions pas à la casserole sur ce coup-là, mais j'imagine que ce n'est que partie remise.
Mais le plus extraordinaire, si vous vous arrêtez deux minutes pour réfléchir sur ce que le film nous dit, c'est bien que les affreux méchants sont ici tous simplement les employés (syndiqués ?) de la multinationale Tony Stark, qui n'ont jamais compris le génie de leur patron, et qui vont voler ses découvertes pour tenter de devenir patron à sa place. On imagine comment cette vision très progressiste de la lutte des classes passe impeccablement auprès des financiers et politiques américains, toujours prompts à déifier leurs chefs d'entreprise : surtout ne pas faire confiance aux subordonnés, tous des jaloux malfaisants !
Bref, tout cela est littéralement à vomir, et vous ne me persuaderez pas que les blagues à deux balles sur la vie compliquée d'ados amoureux et timides, à l'esprit desquels la notion de sexe ne vient jamais, justifient un tel bourrage de crâne. J'ai lu des gens qui comparaient cette bouillie indigeste aux deux premiers "Spider-Man" de Sam Raimi, et à leur parabole si élégante sur le changement qui s'opère en nous à l'adolescence : arrêtez de raconter des salades, revoyez ces films que vous avez visiblement oubliés, et contemplez la dégradation vertigineuse du blockbuster hollywoodien depuis 20 ans !