Analyse de la version alternative présentée par Phil Lord et Chris Miller


Ce qui devait s'apparenter à un visionnage redondant avec un matériel supplémentaire bourratif s'est converti en une expérience de pur plaisir. Cette version alternative mutante par Phil Lord et Chris Miller présente une vision plus conforme aux attentes des aficionados du "monte en l'air". Un amour pour le matériau d'origine qui gomme la maigreur mythologique offerte à Moralès dans la version salle.


(Attention cette critique met en lumière tous les changements effectués par Lord et Miller. Elle est disponible en "mode alternatif" sur le Blu-ray et comporte environ trente minutes supplémentaires. Elle complète ou remplace de la version salle des idées plus sommaires pour en proposer de nouvelles restées à l'état de story board, de plans figés ou encore présentants des textures incomplètes. La démarche des producteurs est de délivrer l'oeuvre la plus aboutie qui soit. Une mouture réservée aux plus curieux.)


Retard à l'allumage


Redécouvrir deux ans plus tard et à tête reposée New Generation a eu pour effet de confirmer la singularité de ce film d'animation sans pour autant en retirer le problème majeur. Le concept ludique et la patine magnifique font toujours figure d'enseignes lumineuses au regard du rachitisme accordée à l'élévation physique et spirituelle de Miles Moralès. Enlever la carrosserie d'une Ferrari et en découvrir le moteur d'une Dacia en quelque sorte. La version alternative corrige le tir et démontre à quel point la vision des auteurs peut être tronquée. Ce n'est plus une question de tonalité du métrage mais bien son identité pure qui est ici modifiée jusque dans les tréfonds de son écriture. Durant la lecture du film, on est presque à se demander comment Lord et Miller peuvent aborder leur oeuvre le sourire aux lèvres dans le matériel promotionnel du Blu-ray. Si l'on sait que les films sont soumis au comité de censure et aux lois du marketing par l'entremise des ciseaux castrateurs, c'est bien le sens même du film qui en est changé. Spider-Man : New Generation Version Alternative se pare de séquences additionnelles qui changeront fondamentalement la personnalité de Moralès le rendant à la fois moins lisse et pourvu d'un sacré tempérament.


Le prix de l'identité


La version alternative n'a rien de définitive. Plus longue et bourrée d'aspérités qui la rendent moins agréable, celle-ci ne doit pas être abordée comme la remplaçante. Elle est à l'image d'une siamoise hypertrophiée reliée à la hanche de l'originale. La meilleure des versions doit être au milieu des deux propositions. Cependant, c'est bien elle qui va rendre tout son intérêt au projet ainsi que toute sa noblesse au personnage central.


Le film débute par un court-métrage incluant Spider-cochon. Le cartoon amorce de manière humoristique le programme qui suit : Un hommage à peine déguisé à la Warner et à ses personnages gaffeurs adeptes de poursuites dans les couloirs, un maillet surdimensionné à la main. L'hommage à Mel Blanc et Chuck Jones trouve son sens lorsque Spider-cochon balance lors du climax final un "That's all Folks" des familles. D'une certaine manière ce prologue donne le "La" de manière plus explicite que sa version ciné. Même s'il recèle de moments purement dramatiques, New Generation version alternative abrite un taux d'humour beaucoup plus élevé que sa version cinéma. L'esprit jovial et décomplexé n'est pas sans rappeler l'affrontement entre Baby Herman et Roger Rabbit dans le film de Robert Zemeckis. La scène introductive du Maroon Cartoon permet de crédibiliser l'interaction entre humains et toons de la même manière que celle de New Generation avec les portails dimensionnels. Une vraie porte d'entrée humoristique prolongée par des gags inattendus conférants à l'ensemble respect et caricature de la mythologie arachnéenne.


Si l'on ne peut retirer au cut salle l'idée lumineuse de caser la mort de son icône et de la voir remplacer par une version Rabelaisienne avec un ventre proéminent, ce nouveau montage permet de mettre l'accent sur ce Peter Parker en dépression que l'on ne veut pas connaitre. Pour tous les amoureux du personnage, l'idée de voir l'homme et ses travers (de porc) derrière le super héros permet d'épaissir le trait de la comédie. Et C'est une araignée cul nu voilée d'une mosaïque qui se retrouve en plein froid hivernal New Yorkais tentant d'échapper au regard des badauds. Un moyen parmi tant d'autres d'écorner à nouveau sa stature héroïque. Idem lors du vol menant Moralès et Peter sur la côte ouest, ce dernier expose le réel problème de porter un costume. La solution étant de mettre du talc aux jointures pour ne pas s'irriter. Intelligemment, Spider-man glisse de mentor à sidekick de Miles sans que la moindre grossièreté d'écriture ne se fasse ressentir. Une déconstruction du mythe ancien destiné à faire briller le nouveau de mille feux. Leur relation aboutira à un dernier échange sur un toit scellant une bonne fois pour toute leur amitié au lieu d'un bref (mais émouvant) dialogue dans le combat final.


Parce qu'il est le point névralgique de l'histoire, Miles Moralès va passer d'individu acceptant relativement bien sa nouvelle condition dans la première version à celle de l'ado la refusant en bloc. Un trait de caractère qui matche avec celui du Parker original d'accepter le don à contrecoeur. Et même si l'on ne parle pas encore de malédiction, le refus pur et simple indique la part de responsabilité beaucoup trop grande pour celle d'un adolescent de treize ans. Un raisonnement qui fait sens après le décès du Spider-man original. Une occasion en or pour Lord et Miller de ressortir des tiroirs le camarade de chambre et ami de Miles, le joufflu Geekam. Un personnage essentiel qui partage le secret de Moralès et qui prend conscience plus rapidement des capacités physiques de son camarade. À ce propos, il est important d'évoquer l'importance du destin dans la mythologie du "Monte en l'air". Le lieu de la morsure n'est plus la voie désaffectée du métro mais la chambre de l'adolescent. C'est au cours d'un échange entre les deux gamins que l'araignée porte son attaque sur Miles. Une indication quant à la responsabilité d'un tel fardeau sachant que Geekam aurait pu lui aussi endosser le costume avec un rapport à l'héroïsme complètement différent.


Le tragique destin qui frappera Moralès sera-t-il au coeur du sequel prévu pour Avril 2022 ?? Une fatalité qui bouclera la boucle avec le Spider-man original. Étoffé de quelques plans supplémentaires, New Generation version alternative séduit par une approche plus ample des combats. Il appartiendra à chacun de voir en cette expérience la vision accomplie des auteurs ou bien de la laisser à l'état de fantasme.


critique de la version Cinéma
https://www.senscritique.com/film/Spider_Man_New_Generation/critique/147372888

Star-Lord09
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le 4 nov. 2020

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