...Je ne voulais pas croire ce vieux grincheux... Et c'est pas ce film qui m'aurait détrompé!
Si les auteurs voulaient représenter des pépés du rock , il n'avaient qu'à y aller franchement, les montrer chauves à cheveux long sur les côtés, ayant du mal à passer la bretelle de leur guitare, peiner à soulever un ampli, se plaindre de leurs rhumatismes et mal de dos ; à moitié sourds et incapables de comprendre les questions qu'on leur pose, ou racontant leur énième arrêt cardiaque... Ah parce qu'on ne les voit ni boire (ou si peu), ni prendre de la drogue (un rail en passant?)... Tout ce qu'ils se prennent, c'est la tête sur la taille des canapés!


(à ranger dans la catégorie des critiques dispensables)
Le screen test permet à un réalisateur de prendre la mesure de l'écart entre ses intentions et l'effet réel de son film. S'il s'agit pour l'art de susciter des émotions, et pour la comédie de faire rire, l'artiste ne doit pas ménager son (gros) ego et se confronter à la réaction des spectateurs.
Lorsqu'on réalise une sorte de pastiche, l'audience doit comprendre les références ET rire, ou rire sans les avoir à disposition. Il faut à tout prix éviter de sélectionner ses spectateurs tests parmi la population des petits malins qui voudront faire comprendre à leur entourage qu'ils ont saisi la référence, en se fendant d'un rire forcé. D'ailleurs, ces gens là sont à vous dégoûter de voir des comédies en public. Disons-le clairement, ils sont à fuir en toutes circonstances.


J'aurais tendance à situer l'apparition de l'humour dans le medium audio-visuel avec la série Mr Gun. Auparavant, les scénaristes se contentaient d'imaginer des situations incongrues, sans avoir la capacité de dépasser ce point de départ et d'écrire les scènes. (c'est mon avis et je le partage)


Spinal tap souffre de ces deux tares : à quoi bon introduire un personnage inspiré de Yoko Ono, lui donner des croyances mystiques à la mords-moi-le-noeud, insérer une trame narrative (séparation puis réconciliation - dans les comédies l'arrivée tardive d'une intrigue est en général une calamité) inspirée par les supposées dissensions créées par Ono dans les Beatles, si ce n'est pas drôle? A quoi bon imaginer qu'elle leur trouve un concert dans un zoo, s'il ne s'y passe rien de drôle? Dans le pire des cas, ils auraient pu montrer des coupures de presse relatant "Mandy la chèvre a mordu dix enfants pendant le solo de guitare de "Farm sex" et "Rendu fou par le larsen, Jojo l'âne a tenté de copuler avec Zaza l'autruche" - que sais-je ?


Et pourquoi réaliser un film aussi frileux sur une bande de gogols excessifs? Enfin! Pour contredire le discours tenu par certains personnages du film, ce sont les années 80 - une période où l'on voyait des seins nus dans les comédies mainstream US (et tous les films français, comédies ou drames, mais on s'éloigne un peu - non en fait dans les drames on voyait un nu intégral voire un zizi en bonus) ! On dirait que les auteurs tenaient absolument à ne laisser aucune ambiguité sur leur dénonciation du sexisme pour ados boutonneux des groupes de hard rock - nonobstant les diffusions quasi intégrales de plusieurs morceaux ennuyeux aux rébarbatifs textes sexistes trop plats pour être drôles (il vaut mieux apprécier le hard rock pour de bon ou zapper).


D'un côté, le film est trop subtil, de l'autre, il ne fait pas confiance à son audience, qui serait incapable de comprendre l'ironie ?
Ma foi, les auteurs avaient probablement raison: le public US se divisait alors entre une majorité à laquelle le second degré échappait, et des étudiants soucieux de manifester par des ricanements leur appréciation envers les "coups de coude" qui leur étaient adressés par les scénaristes.
Placer à la fin du film un extrait d'entretien avec le batteur systématiquement interviewé dans sa baignoire, pour lui demander s'il n'a pas peur de finir dans une mort bizarre et accidentelle comme tous les précédents batteurs, c'est une idée amusante, un gag subtil qui peut échapper aux moins malins (nudge nudge), un de ces détails qui font la richesse d'une comédie - mais ce n'est pas franchement hilarant.


Au-delà de sa portée humoristique relative, le film dépeint la dynamique de groupe où des artisans doués bénéficient de l'aptitude d'un chanteur un peu neuneu à se mettre en avant, mais pâtissent de sa "vision" limitée et de ses choix artistiques à la hauteur de leur propre débilité.
La représentation d'un groupe bandwagonesque - wagon de queue qui s'accroche aux dernières modes (fads) pour continuer à exister - reflète la réalité économique du milieu musical, dans lequel rares sont les élus, et où ne serait-ce que réussir à vivre de son art est déjà un accomplissement (une chance) incomparable - tout le monde n'a pas les bons copains qui lui passeront commande d'une symphonie pour l'orchestre national, et la majorité ne doit compter que sur son talent à créer et à se vendre. Certains n'ont pour continuer à exister que le choix d'évoluer en continuant à s'adresser à un public de jeunes consommateurs culturels - cf Madonna? La question n'est alors pas le style musical dans lequel on s'exprime, mais la capacité à introduire une créativité dans les interstices de la norme, qu'on soit un producteur arrangeur pour minet-tes icônes de la pop, ou les Rolling Stones. C'est une chose qui échappe aux "artistes conceptuels", qui peuvent s'imaginer tout réinventer puisqu'ils n'ont pas le moindre talent, vigoureux brasseurs de vide. Comme l'indique son nom, ou sa définition, une oeuvre n'est pas déclaration d'intention mais actualisation. Voire hédonisme, gratification instantanée, jeunisme et choix de vie frisant le suicidaire.


Tout ça pour dire que je préfère Wayne's world (qui manque tout autant de spandex)(sauf là où ça compte).

ChatonMarmot
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le 13 avr. 2021

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ChatonMarmot

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