Soi Cheang adapte son univers dépressif à celui plus divertissant du film de combat, s'octroyant les talents de Tony Jaa pour croiser son intrigue entre Hong Kong et la Thaïlande.
Du SPL de Wilson Yip au second opus, A time for consequences, au troisième, Paradox, divers clins d'œil ou de redondance, des uns aux autres, sans continuité. Chaque opus est une variante plus ou moins réussie. Le même type de personnage déjanté au couteau, et le même type de scène, du 1er au 2ème, avec Simon Yam. Le thème du trafic d'organes et la présence de Jaa du 2ème au 3ème. Et une différence de taille pour les chorégraphies. Ici, elles sont signées de Nicky Li Chung-Chi et ne souffrent d'aucune comparaison. Si on remarquait en 2005, Samon Hung, assez impressionnant dans sa mobilité pour son physique encombrant, les combats par -et de- Donnie Yen n'étaient pas franchement mis en valeur. Ce défaut se retrouvera avec Paradox, où Yip laissera la main à ce fameux Samon Hung pour des scènes de combats bien peu originales et bien peu immersives. L'aspect mélodramatique du premier opus est ici nettement revu à la baisse, mais choisit carrément l'optimisme final, alors que le troisième opus, se teinte d'une noirceur bien mieux amenée par Yip.
Avec cette revisite, le cinéaste répond à la commande et s'il n'approfondit pas son intrigue, Cheang prend la main sur Yip, avec un contexte et une mise en scène plus maîtrisés, notamment dans son jeu de caméra, sa photographie et ses décors choisis et propices aux combats bien énervés. Avec un sous texte lui donnant encore l'occasion de brosser un portrait peu valorisant de la société, et en y apportant sa vision franche d'un milieu violent - sans en forcer le trait-, le cinéaste passe de l'action décomplexée au thriller et tente la complexité de certains personnages. Il faudra laisser de côté les choix moraux, en filigrane, la confusion de la scène de l'aéroport en introduction, et les envolées fantasmagoriques de Chéang, à l'instar de Limbo, dont on ne trouve pas de prise sur le récit.
Quinze ans ont passé et Simon Yam, toujours à l'aise à la tête de son unité, nous montre toute la difficulté du métier par sa limite d'âge. Wu Jing, pour le jeune flic infiltré, la difficulté du langage lorsqu'il est emprisonné en Thaïlande -par le peu marquant Louis Koo, qui reste tranquillement dans sa zone de confort-. Et Tony Jaa qui ne peut chasser le naturel, un père en prise avec la maladie de sa fille qui se révélera plutôt combatif que gardien de prison lambda, et nous proposera de belles scènes virevoltantes.
On est clairement dans la dynamique de ses acteurs, accompagnant Tony Jaa de l'aérien Max Zhang pour un face à face interminable, lui faisant la part belle malgré son peu de présence à l'écran.
Combats inventifs, souvent spectaculaires et forcément jouissifs, on jubile avec l'émeute en prison qui rappelle à l'excellence des films sud-coréens en milieu confiné, où l'on suivra simultanément plusieurs face à face, désordonnés et croisés, rappelant la technique du cinéaste, lisible et fluide, et un rythme qui ne faiblit pas. On se réjouit de la grâce de Max Zhang et d'un Tony Jaa toujours performant dans ses sauts en hauteur, aux bons coups de coude sur la tête, ou aux tatanes bien placées.
A prendre tel quel.