The Visit s’était présenté comme une lueur d’espoir. Celle de voir revenir sur le devant de la scène un réalisateur talentueux, M. Night Shyamalan, qui s’était perdu dans ses délires scénaristiques (La jeune fille de l’eau, Phénomènes) et le système hollywoodien (Le dernier Maître de l’Air, After Earth). Bien que le film présentait bon nombre d’imperfections et que son côté found footage ne lui donnait pas suffisamment d’ampleur pour se faire voir, il y avait suffisamment de matière et de maîtrise pour prouver que le cinéaste était toujours là. Et pour sa toute nouvelle réalisation, ce dernier reprend la même formule : une production Jason Blum (Paranormal Activity, Insidious, Sinister…), soit un financement minime (ici, 9 millions de dollars) mais un contrôle artistique total de la part de Shyamalan. Avec en prime le charismatique James McAvoy en tête d’affiche et un pitch pour le moins accrocheur, Split avait toutes ses chances de plaire et de rameuter tous les fans du réalisateur. Mais alors que l’on ne pensait pas voir le papa de Sixième Sens et d’Incassable revenir à son apogée, il nous surprend en nous livrant l’un de ses meilleurs films depuis longtemps, rien que ça !
En étant passé par The Visit, M. Night Shyamalan a littéralement compris ce qui l’avait fait chuter des années plus tôt, outre se faire vampiriser par les studios hollywoodiens : se montrer bien trop complexe dans ses histoires. Ce qui faisait le charme de ses plus grands longs-métrages, c’était avant toute chose la simplicité. Une intrigue sur le papier banale qu’il agrémentait de personnages grandement travaillés, offrant à l’ensemble un twist final d’une puissance démesurée qui puisait sa force dans cette narration si sobre. Avec Split, il poursuit sur cette voie en établissant juste, par le biais d’un triple kidnapping, le portrait d’un homme hors du commun, complexe et torturé. Juste ça ! Et à partir de cette base scénaristique, Shyamalan parvient à en tirer un thriller diablement captivant et ce de bout en bout. Jusqu’au générique de fin qui, sans ne rien révéler, promet une bien belle surprise sur la place de ce film dans la filmographie de son réalisateur et sur ses projets futurs.
Split interpelle également de par sa mise en scène. Si là aussi le cinéaste fait preuve de sobriété, il n’en livre pas pour autant une œuvre impersonnelle. Au contraire, tout dans ce long-métrage sent le Shyamalan à plein nez ! Nous y retrouvons ses fameux plans lents, ses mouvements de caméra si spécifiques et ses jeux de champs/contre-champs. Ce qui lui permet d’instaurer un suspense que l’on n’avait plus vu de sa part depuis Le Village ainsi qu’une ambiance malsaine à la fois dérangeante et prenante. Et ce sans jamais tomber dans la gratuité la plus infâme, comme abuser du gore pour dégoûter ou bien des jump scares pour imposer l’effroi. M. Night Shyamalan reste égal à lui-même, usant à fond la carte de la suggestion (sauf pour quelques plans, ce qui n’est toutefois pas dérangeant) et du fait de « ne pas trop en montrer » pour titiller notre tension.
Mais bien entendu, hormis le savoir-faire du cinéaste, si l’on ne devait retenir qu’une seule chose de Split, c’est bien son casting. Non pas les rôles secondaires, bien que ceux-ci soient interprétés avec brio. Non pas la prestation pourtant excellente d’Anya Taylor-Joy, star montante depuis The Witch qui n’a déjà plus rien à prouver. Non, si vous deviez vous souvenir que d’un nom, c’est bien celui de James McAvoy ! Lui aussi a enchaîné les rôles tout en démontrant ses talents d’acteurs connus de tous. Cependant, dans Split, le comédien se surpasse comme jamais. Car jouer un rôle tel que celui de Kevin relevait du travail de titan Et pour cause, un personnage aux multiples personnalités induit de donner vie à plusieurs protagonistes dans le même film. Un défi corsé que McAvoy réussit haut la main, parvenant à les caractériser comme il faut de par une posture, une gestuelle, un parler, une expression… sans jamais tomber dans le surjeu ni la caricature. Le seul regret ressenti une fois le film terminé est de ne pas voir l’acteur nous jouer les 23 personnalités annoncées sur l’affiche, c’est pour dire !
Véritable retour en force d’un réalisateur qui n’avait clairement pas mérité une telle déchéance, Split est sans nul doute le film que tant de spectateurs attendaient. Celui qui permet à M. Night Shyamalan de revenir dans le cœur du public et des critiques. Le long-métrage qui redore une filmographie plus qu’inégale. Le thriller qui donnera à nouveau les moyens à son cinéaste de s’attaquer à des œuvres qui lui sont propres. Et pour cela, un grand merci à Jason Blum, une fois de plus ! Car si le bonhomme a essentiellement produit des films horrifiques en majorité de qualité douteuse, il a su offrir une seconde chance à des réalisateurs en perdition. Tels que James Wan, qui n’arrivait pas à se démarquer de Saw jusqu’à Insidious, et Scott Derrickson, qui s’était fait une mauvaise réputation avec le remake du Jour où la Terre s’arrêta. M. Night Shyamalan fait partie de ses miraculés et n’a pas fini de nous impressionner… à nouveau !