Divisé
Indéniablement, le synopsis et la bande annonce de "Split" rendent curieux.
Les possibilités en terme de scénario et de réalisation offertes par ces derniers sont quasi-infinies et cela a le don d'intriguer un public très varié, que le spectateur soit occasionnel ou cinéphile accompli.
Le jeu d'acteur fournit par McAvoy reste dans la même veine, il dirige le film et conserve l'attention de la salle, c'est presque intimidant cette capacité à jouer avec les traits de son visage, d'adopter une identité puis une autre en boucle sans tomber dans le ridicule ni même perdre en intensité.
Chaque "rôle" est identifiable mais ses prises de décisions sont imprévisibles, chaque apparition redonne du rythme à l'intrigue.
Couplé avec le travail sur la prise de vue, le film possède de bonnes bases et on le comprend très vite, lors de la scène du kidnapping par exemple (pas très crédible accessoirement), la caméra devient soudainement personnage et un des protagonistes s'y adresse directement.
Je relèverai aussi le moment où Casey se réveille, tête sur le côté, l'image est orientée à 90° vous empêchant de distinguer clairement quel personnalité incarne McAvoy, c'est frustrant mais ce sont ces petites choses simples et efficaces qui suffisent à vous plonger dans l'histoire rapidement.
J'en ai deux autres en tête, la séquence entièrement floue au réveil du Docteur, appréciable quoi que un peu fatigante pour les yeux à la longue et la séquence où la personnalité "Hedwig" danse dans la chambre, la caméra reste fixe mais les mouvements du personnage apporte un dynamisme donnant au tout une ambiance particulière.
Bon, si je m'arrêtais ici, le 5 serait complètement injustifié, ce qui partage mon ressenti c'est ce "trop" scénaristique, le film est composé de multiples petites intrigues et/ou personnages qui ne sont jamais approfondis.
Il y a à la fois trop, et pas assez, ce qui enveloppe le récit de clichés, deux protagonistes à l'enfance perturbée, une docteur naïve qui dévoue sa vie à ses patients, la petite vieille complètement intolérante qui vit seule sur son canapé en regardant le téléachat, les deux adolescentes à moitié nues dénuées de sens logique et, à ne pas oublier, le rattachement à Incassable qui nous ferait presque penser qu'on regarde un Marvel.
Même le personnage principal est rendu banal, à peine le quart de ce qui le rend différent est exploité et cette 24ème personnalité monstrueuse est décevante et prévisible (la scène du train, le petit mot du Docteur, par pitié).
Crier 3 fois son nom pour calmer la bête ? Vraiment ?
La vraie faiblesse réside dans ce qui faisait la force du trailer, la souplesse scénaristique offerte par le protagoniste principal sauf qu'ici Shyamalan donne l'impression d'avoir oublier tout ce qu'il y a autour, l'accent est mis sur la construction d'un seul personnage, les autres sont délaissés, de temps en temps on leur accorde quand même une séquence pour vous rappeler leur existence.
Souvenez-vous de ces plans interminables sur le loquet de la porte du placard pour qu'à l'inverse de Casey, on se souvienne que ses amies existent, c'était risible.
La conférence via Skype, parlons-en aussi, elle plonge le personnage du Docteur dans une naïveté sans pareil et fait entrer le film dans le fantastique à grand coup de répétition de mots-clefs ("extraordinaires", "héros", "pouvoirs" ...), délicat comme façon de faire.
L'utilité profonde de cette séquence c'était quoi exactement ? Un pseudo-engagement du réalisateur envers les personnes avec des différences mentales ?
Si c'est le cas je suis pas convaincu et c'est pas en envoyant Bruce Willis leur péter la gueule que ça va changer quelque chose.
En conclusion, on a le droit à un film creux malgré une performance incroyable de McAvoy, Shyalaman essaie de trop en faire, mettre plein d'intrigues en place c'est une chose, les résoudre partiellement en laissant de gros indices c'en est une autre mais parfois il faut s'avoir s'en abstenir et se tenir à un fil conducteur.