Le titre original est Don't Be a Menace to South Central While Drinking Your Juice in the Hood qui parodie celui de films qui ont eu leur moment de gloire au début des années 1990, montrant les luttes de classes noires dans des milieux urbains défavorisés. Ce fut le contre-point cinématographique au gangsta rap, d’ailleurs certains des rappeurs en occuperont les rôles, dans un contexte plus large de renouveau de la culture afroaméricaine.
Ce qui n’a pas échappé à la grande fratrie des frères Wayans dont nous connaissons surtout ceux ayant travaillé sur Scary Movie. Mais la fine équipe avait aussi parodié la blackspoitation avec I'm Gonna Git You Sucka et les films du ghetto avec ce Spoof movie. Et quel régal.
Cendar est confié par sa mère à son jeune père, pour qu’il le prenne en main. A 20 ans, ce dernier ne sait pas encore quoi faire de sa vie. Il retrouve le quartier de South Central, avec ses amis d’enfants, et son cousin, un dur, Loc Dog,. Mais il va tomber amoureux de Dashiki, jeune mère, l’ex de Cure-dent, qui est sorti de prison. Comment trouver sa place dans un milieu si dur ?
Pardon, je reformule.
Cendar est confié par sa mère, puisqu’il n’y a jamais de personnages féminins forts dans ce genre de film, à son père, qui a eu Cendar tellement jeune qu’il est moins âgé que lui. Ses amis sont un militant de l’afropower qui préfère les blanches, un handicapé et son cousin, qui transporte un missile de l’URSS dans sa camionnette. Il va tomber amoureux de Dashiki, qui a eu sept enfants de pères différents. Cure-dent est tellement marqué par la prison qu’il s’y croit toujours, échangeant paquets de cigarettes et couteaux de fortune.
C’est mieux.
Maintenant, envisageons que, comme moi, vous n’avez vu aucun des films parodiés. Allez-vous vous payer une bonne tranche de rigolade ? La réponse est oui.
Les références aux films en question sont présentes sans être au premier plan. L’amateur les reconnaîtra tout de suite, d’autant plus que Spoof Movie s’offre parfois le luxe de reprendre les mêmes acteurs. C’est le bonus pour lui. Pour les autres, ils comprendront malgré tout les points de satire du genre, avec les passages obligés tels que le vol à l’épicerie, le criminel sorti de prison, les policiers racistes, et j’en passe. Le film se paye même la petite insolence d’utiliser comme cadre une banlieue pavillonnaire, malgré tout considérée comme ses habitants comme un ghetto.
Spoof Movie derrière sa parodie sonne alors comme une critique du genre, notamment de son hypocrisie à prétendre montrer la vie de quartiers difficiles alors que les films ont des budgets à plusieurs millions de dollars. Leurs propos et leurs grands messages sont moqués avec un grand clin d’oeil amusé. Dans Spoof Movie, dès qu’il y a une analyse un peu poussée ou philosophique de la vie du banlieusard, un facteur apparaît pour dire « Message ! ».
Car Spoof Movie ne se prend pas au sérieux, il s’en prend aux codes, aux clichés, dans une joyeuse hystérie, un gag chassant l’autre. Il peut aller dans l’outrance, dans l’absurde, ou même le commentaire sur l’actualité, y compris les agressions policières, le tout dans un équilibre parfaitement trouvé. Les films parodiés, on s’en fiche de les connaître, le film est hilarant.
Un grand bravo à Shawn et Marlon Wayans, au scénario, mais aussi en rôles titres. Si Shawn joue le jeune rangé, Marlon incarne un déglingué de la gâchette au visage déformé par un rictus qui ferait mourir de rire Jim Carrey. Sa façon de se mouvoir, en saccades, tandis que son corps adopte des proportions géométriques est pour beaucoup dans le plaisir devant ce film.
Le film est sorti en France après le succès de Scary Movie, directement en DVD. Quel scandale, mais il serait probablement resté méconnu sinon. C’est l’un des meilleurs films des frères Wayans, une parodie tellement drôle, tellement farfelue, mais aussi tellement exotique pour nous, qu’elle ne demande pas au spectateur d’avoir vu les films parodiés. Elle ne s’appuye pas sur ses références, mais sur son humour, taquin et imaginatif.