Drôle d’idée d’aller voir Spotlight un vendredi soir, alors qu’on pourrait être tranquillement en train de siroter une bière devant un bon film vide-cerveau. En effet, Spotlight retrace l’enquête, réalisée par des journalistes du Boston Globe et couronnée par le prix Pulitzer en 2003, qui fit éclater un énorme scandale de pédophilie au sein de l’Eglise catholique. Elle révéla de très nombreux cas d’abus sexuels étouffés pendant des années par les institutions religieuses, juridiques et politiques de la ville américaine. Rien de très joyeux donc pour le soir de la semaine où l’on est censé se détendre, mais ô combien captivant, terrifiant et nécessaire.
Nécessaire, si toutefois on évite le clinquant racoleur dans lequel il est aisé de tomber face à un tel sujet. Fort heureusement, en plaçant le travail journalistique au cœur de son film et en faisant de la sobriété sa ligne directrice, Tom McCarthy ne plonge pas dans le piège du sensationnel. Il est certain que si vous êtes adepte des histoires romancées où une place majeure est accordée à la psychologie des personnages, vous ne serez sûrement pas intéressé par Spotlight. La vie privée des journalistes n’est que très pudiquement abordée pour laisser toute sa place à l’enquête. Du côté des émotions aussi, on reste bref. Elles ne servent qu’à témoigner de la détermination commune des reporters à faire aboutir l’enquête. Et cette détermination ne se conjugue pas avec précipitation. Bien au contraire. S’étalant sur une année complète, le travail d’investigation de l’équipe a pour mots d’ordre : rigueur, véracité et professionnalisme. Exit la course au scoop, l’essentiel est ici de contrôler les preuves, de recueillir les témoignages indispensables et de rester au plus près des faits, tout cela en prenant le temps nécessaire. De quoi réhabiliter une fonction aujourd’hui largement critiquée !
C’est donc une belle leçon de journalisme que nous livre Tom McCarthy dans Spotlight. Et bien que le rendu puisse paraître austère, tout nous rappelle que nous sommes au cinéma. D’abord, la mise en scène qui embarque le spectateur dans cette enquête haletante. Ensuite, la photo signée Masanobu Takayanagi qui enveloppe l’image pour lui donner cet aspect brut et sobre. Enfin, la brochette d’acteurs impeccables (Michael Keaton, Mark Ruffalo, Rachel McAdams, Liev Schreiber, John Slattery, Stanley Tucci…) qui conduit forcément à penser que Spotlight a été (un peu) formaté pour les Oscars.
Mais ne soyons pas trop mauvaise langue. Car, au bout du compte, même si Spotlight plombera à coup sûr votre vendredi soir, rien ne vaut une bonne œuvre du 7e art pour redonner quelques lettres de noblesse au 4e pouvoir.
Lire plus de critiques sur le blog >