Spring Breakers par Jonathan Evrard
Il y a des films où l'on sait à quoi s'attendre, d'autre où l'on fonce dans tête baissée vers l'inconnu, cette déesse intrigante. Quand je me motive pour aller voir Spring Breakers un mardi soir de Ligue des Champions qui plus est, je suis un peu partagé entre ces deux sentiments. J'imagine bien que je ne vais pas me retrouver face à un teenage movie comme les autres - un peu comme pour Drive qui différait pas mal du classique film de bagnole - mais je n'ai pas encore bien cerné le public auquel il s'adressait. Qu'importe, un film est fait pour être vu, point. Il doit être compris sans pub ou promotion, sans qu'un quidam t'explique quel oeil tu dois ouvrir pour bien tout comprendre. Je décide donc de mettre ma carte étudiante à l'arrière de mon jean, et file au ciné, l'esprit vierge de toute influence.
Le moins que l'on puisse dire est que je ne m'attendais pas à ça. Comment l'être ? Ce film se veut tout à la fois : d'un côté ode à la décadence, mais d'un autre une critique acerbe de cette supposée communauté jeune, ivre et insouciante. Il n'est ni sérieux, ni extravagant . Ni vraiment triste, ni très drôle. Il est au final très plat. La sinusoïde à laquelle je m'attendais à laisser place à un segment, un trajet sentimental d'un point A à un point B. Harmony Korine - dont le seul prénom ne laisse déjà pas deviner s'il est un homme ou une femme - semble avoir voulu toucher un public averti, tout en attirant vicieusement et volontairement dans ses filets les bons pères de famille venus divertir leurs adolescentes ingrates. J'espère d'ailleurs que ma soeur de 14 ans, qui a découvert Vanessa Hudgens et Selena Gomez alors que celles-ci n'avaient même pas de boobs, n'ira pas voir le film. Elle risquerait de s'y méprendre.
Sur un plan plus technique, l'oeuvre en elle-même est assez indigeste. Certes, les couleurs criardes sont du plus bel effet, la photo est travaillée. Mais l'entremêlement des scènes est somme toute assez mal maîtrisé. Très bien, on voit une image de cagoule flottant dans la mer, et 30 secondes après les filles portent ces mêmes cagoules !?! WOW, me voilà chamboulé ! Serait-ce une sorte de saut dans le temps ?!? Le cynisme en moins, j'ai un peu eu le sentiment que le réalisateur voulait donner un rendu un peu original au projet, avec des procédés aujourd'hui bien intégrés tels que le flash-forward. Or, pour un scénario aussi creux que celui de Spring Breakers, les spectateurs s'en soucient-ils vraiment ?
Ceci dit, le film n'est pas exempt de toute critique positive. James Franco confirme qu'il est un excellent performer en RiFF RaFF (vous irez voir sur Wikipédia) mi surfer fumeur de weed, mi gangsta collectionneur d'armes. Le jeux des petites meufs est assez convaincant, même si les personnages des filles m'ont vraiment déplu par leur côté dépourvu d'humanité. ***SPOILER*** Sérieusement, quelle genre de meuf peut tuer du jour au lendemain une vingtaines de gangstas armés jusqu'aux dents sans ressentir le moindre malaise, et surtoût sans se prendre une cartouche. Putain, même quand James Franco se prend une balle en plein front, y'en a pas une pour jeter ne serait-ce qu'un coup d'oeil pour voir s'il va bien. Ceci étant, le film recèle quand même quelques moments de grâce. Oui, je pense à ce moment ou Alien chante "le-morceau-triste" de Britney Spears sur un piano à queue blanc, pendant que les meufs font la ronde avec des fusils de chasse, les visages recouverts de cagoules roses avec un poney sur le front. *****
Après coup, même si ce n'est pas à proprement parler un navet, je ne saurais pas vraiment à qui conseiller le film. Je pense qu'on peut exclure la catégorie moins de 16 ans, ainsi que celle des gens qui ont déjà un vrai métier. Pour ceux entre les deux, à savoir la plupart de mes potes, je ne sais pas vraiment quoi leur dire. Si vous me lisez les gars, mettez vous plutôt en boucle tous les clips de Rick Ross, et vous remplacez le son par Skrillex, ça vous fera économiser de la thune.