Harmony Korine est selon moi l'un des réalisateurs et scénaristes les plus intéressants de notre époque. Je m'explique : loin des grandes réalisations académiques, il a toujours su enregistrer les bonnes choses.
D'un point de vue technique, la caméra est souvent aléatoire, certains plans sont largement dispensables mais représentent toujours un intérêt particulier pour l'univers du film. Que ce soit dans la laideur (Gummo) ou dans la beauté (Spring Breakers), Korine réussit toujours à en sublimer l'esthétique. Et c'est en cela que Korine prend toute son importance : il sait fixer l'instant présent.
Scénariste du célèbre Kids de Larry Clark en 1995, et de Ken Park en 2002, Harmony Korine aura vécu toute sa vie comme un adolescent attardé et pommé dans ses Vans à carreaux. C’est d’ailleurs dans cette adolescence éternelle qu’il trouve son inspiration, dans les skate-parks ou dans les spring break de Californie, là où la jeunesse s’oublie et s’abandonne.
Après Trash Humpers sorti en 2009, Harmony Korine revient avec un long-métrage plus que prometteur : un projet annoncé depuis longue date, une promotion sans précédent pour un réalisateur presque ostracisé, et surtout, un casting incroyable. En enrôlant Selena Gomez, Vanessa Hudgens et Ashley Benson, Korine réalise un véritable coup de génie : prendre les icônes les plus pures d'une génération pour les pervertir et en faire de véritables icônes sexuels. Vanessa Hudgens et Selena Gomez en bikinis fluos, c'est Disney qui piétine Marc Dorcel ! Et qui parmi vous ne rêve pas de tirer un rail de coke sur leurs corps cambrés ?
Passons au film maintenant : 1h32 de trip Skittles. Du fluo, du fluo, du fluo. Partout et sur tout. Des seins, jamais les bons, des fesses, toujours les bonnes, de l'alcool, pas mal de coke, des cagoules, des bikinis, du rap, des dreadlocks, des grosses blacks, James Franco-yo, un peu de religion, du Britney Spears, des guns, des villas fluos, du Skrillex et encore des guns. Bien, et ensuite ? Un James Franco méconnaissable, bien installé dans son rôle, une Selena Gomez plus provocante sur une affiche 4x3 que sur 30 minutes de film, mais un duo Vanessa Hudgens/Ashley Benson sulfureux.
Korine enferme dans ce film toute la culture pop des années 2000, plongeant ses mains dans la crasse et l’obscurité de la jeunesse américaine pour en extraire toute la poésie et le sublime. Et c’est en cela qu’Harmony Korine est bien plus fort et touchant que Gaspar Noé ou la plupart de ses contemporains.
Les plans s'enchainent à une vitesse folle procurant un sentiment de fuite permanente mais sans réelle sortie jusqu'à, selon moi, l'apogée du film : James Franco mimant une fellation sur des guns tenus par V.H et A.B, renversant ainsi toute la "hiérarchie" originale des personnages.
On sort de la salle sans véritable avis définitif, tout se bouscule, d'un extrême à l'autre. Harmony Korine a t-il atteint réellement son but qui était de dépeindre la jeunesse américaine durant les Spring Breaks, l'angoisse et l'abandon, de déranger le spectateur ? Beaucoup ressortent déçus car après avoir vu la bande-annonce, ils s’attendaient à un remake de Projet X fluo. Certains ne comprennent pas l’utilité d’un tel film, d’autres pensent que l’ensemble sonne faux et plastique. La plupart n’ont rien compris, se contentant de rire aux répliques de James Franco et bander à la moindre paire de seins.
Harmony Korine aurait pu écrire Glamorama, tout comme il aurait pu sublimer à l’écran une grande partie de la littérature américaine. Spring Breakers est un chewing-gum, un bonbon éclatant sur la langue. Ouvrez la bouche et surtout, n’hésitez pas à l’avaler.