Dans la baraque 14 du Stalag 17, camp de prisonniers américains durant la Seconde Guerre Mondiale, l’ambiance n’est pas au beau fixe. En effet, chaque plan d’évasion mis au point par les occupants de cette baraque est éventé par le colonel commandant le camp (Otto Preminger). La raison est simple : il y a un mouchard dans la baraque. Tous les soupçons pèsent sur le sergent Sefton (William Holden), son attitude décontractée et son apparente bonne entente avec ses gardiens boches en faisant le responsable idéal. Mais lui sait bien qu’il n’est pas coupable, et il va avoir fort à faire pour démasquer le véritable mouchard, mais aussi pour convaincre ses camarades de son innocence…
Billy Wilder est décidément un réalisateur hors du commun, et il le prouve à chacun de ses films. Il parvient ici à allier le film de guerre, le thriller, la comédie et le drame avec une aisance incroyable. Si le côté film de guerre reste discret du fait que la totalité du récit se déroule dans un camp de prisonniers, on a bien l’impression de voir une Grande évasion avant l’heure, excepté le fait qu’on ne voit ici qu’un nombre très restreint de prisonniers tenter de s’évader, et que l’évasion proprement dite n’occupe qu’une petite partie du film.
C’est donc à la vie quotidienne des prisonniers dans le camp qu’on s’intéresse ici, et le spectacle est tout-à-fait passionnant, d’autant que le scénario reprend les codes traditionnels du whodunit, gardant son spectateur en haleine deux heures durant, sans que jamais l’ennui ne vienne menacer d’envahir le film. Wilder ne sachant faire autre chose que du Wilder (et c’est uniquement ce qu’on lui demande !), il distille son humour habituel avec un doigté unique en son genre, cet humour révélant paradoxalement toutes les souffrances qui se cachent derrière.
Car comme d’habitude, et malgré tout l’humour qui égaye le récit, c’est aussi à un drame humain que le réalisateur nous fait assister, et il a ici l’occasion de le faire reposer sur les épaules de personnages incroyablement attachants, du handicapé mutique au cynique apparemment dénué de sentiments. Autant de personnages qui suscitent une profonde empathie chez le spectateur, d’autant que Wilder a un art consommé pour diffuser une émotion intense en quelques plans seulement, parfois sans aucun dialogue.
Avec Stalag 17, Wilder réaffirme donc son talent à faire cohabiter en un seul film un drame humain poignant, une comédie légère et un thriller très prenant, sans jamais que l’un ne prenne trop le pas sur les deux autres. Si ce n’est pas du génie, je ne vois pas bien comme qualifier cela…