Ah, les films de guerre russe. Les derniers visionnages, du 9è Escadron du même Bondarchuk au Battle for Honor en passant par le Tigre Blanc ou encore le War Zone sur le conflit géorgien de 2008, m’avaient guidé vers un sentiment étrange. Ces œuvres sont foutrement intéressantes et parfois incroyablement limites. Ce Stalingrad n’échappe pas à la règle.
Dans le genre à propos de cette bataille mythique il y a la version allemande de Joseph Vilsmaier et celle du frenchie Annaud. Si ce denier est spectaculaire et haletant, le premier est véritablement une perle injustement méconnue du grand public. Et bien le film de Bondarchuk emprunte aux deux tout en conservant une singulière saveur slave.
Déjà l’approche n’est pas banale : tout commence avec une catastrophe naturelle au Japon. Le réalisateur a décidé de faire un film sur des êtres humains broyés par la guerre en Stalingrad, un peu à la manière d’Annaud donc, mais en insistant davantage sur l’émotion, les sentiments. La violence des combats n’est pas occultée ; ici une grenade éventre, là un poignard ouvre une carotide, plus loin un obus déchiquète et de temps à autres la caméra est maculée de plâtre et de sang. Peu présents, les combats sont à chaque fois féroces.
Mais malgré cette volonté de ne pas mettre de côté l’action, l’essentiel du film se concentre sur ces quelques âmes qui errent dans les décombres d’une ville martyrisée. Ces soldats sont caricaturaux mais on s’y attache tout de même. Humains, fous, vengeurs, possédés, ils semblent trouver une humanité autour d’une femme. Pour les soviétiques ce sera une jeune femme d’à peine 19 ans, pour les allemands ce sera la relation ambigüe entre un officier et une belle slave. A tout le moins les relations amoureuses sont assez lourdingues ; mais j’ai pris le parti d’y croire. Bondarchuk avait déjà placé une femme au centre de l’humanisation des soldats dans le 9è escadron et ma foi ce n’est pas idiot. Le propos de son Stalingrad n’est pas d’évoquer et de dénoncer la sauvagerie des commissaires politiques. Oui, clairement, les Allemands sont les salauds de cette histoire, à l’image de cet officier SS qui cherche des juifs et fait brûler vives une mère et sa fille. Oui, le Nazi viole. Le communiste stalinien n’est pas remis en question. Je crois que pour discutable que soit ce choix, il doit être respecté car le réalisateur reste au final assez cohérent dans son approche. Bondarchuk a fait un film sur des êtres humains. Il a placé l’amour au cœur des combats, l’espoir d’une vie meilleure.
Parfois lourdingue et à la limite du grotesque lors d’une charge banzai de soldats soviétiques en feu – c’est beau, mais incroyable -, je ne peux occulter la beauté de certains plan. La musique ne m’a pas emporté, mais certaines images sont carrément dantesque. Le tableau de maître n’est pas très loin, la palette est parfois incroyable et Stalingrad agonisante a de la gueule. La facilité est écartée ; là où au moins deux scènes auraient pu nous donner leur paire de sein, tout est délicat et ça fait du bien. La relation entre l’officier allemand et la Russe constitue une véritable plus-value dans cette histoire différente, dans cette histoire russe. C'est même, sur le fond, LE bel atout du film.
On aurait pu croire dans une Russie de Poutine à un film sur la gloire de l’Armée Rouge écrasant héroïquement les hordes nazies. Bondarchuk a pris le contrepied, parfois maladroitement, mais comme souvent avec les films russes, avec l’idée de nous proposer quelque chose de différent et par moments d’assez subtil.