De la même manière qu'un stalker (un rôdeur, un guetteur...) est nécessaire pour entrer dans la Zone interdite, il faut pour entrer dans ce film accepter de se laisser guider, de mettre de côté ses désirs, ses espoirs et ses représentations en matière de cinéma. Et même de n'en rester qu'au seuil, tout près d'une vérité possible, d'une révélation (une épiphanie au sens religieux du terme). Tout comme la Zone interdite, le film de Tarkovski ne se laisse pas comprendre facilement et reste en grande partie insaisissable. C'est austère, complexe donc, mystérieux le plus souvent mais c'est en même temps un terrain de liberté : chacun d'entre-nous peut appréhender cette histoire comme il l'entend. Une métaphore de la condition humaine ; une balade dans une colonie extraterrestre (le titre du roman est "Pique-nique (des aliens) au bord du chemin") ; un cheminement métaphysique... Ou comme un miroir qui nous serait tendu.
Mais Stalker ne saurait se réduire à une expérience intellectuelle. C'est aussi un merveilleux film plastique et sensitif, un travail remarquable sur les couleurs (le passage du N&B marronnasse au vert chlorophylle), les atmosphères, les contrastes...
Une œuvre tortueuse et contrastée, à l'image de la Zone, quatrième personnage du film, créature immatérielle, aquatique et minérale, aussi inquiétante qu'apaisante.
Alors oui, laissez de côté vos craintes ou vos espoirs et entrez dans ce film tel qu'il est : une Zone expérimentale, un sanctuaire cinématographique.
10/10