Après avoir vu Le Miroir seulement quelques jours plus tôt, me voilà prenant une autre claque. Depuis le temps que je devais voir ce film, c'est un bonheur d'avoir enfin accédé à ce monument du cinéma d'une incroyable beauté visuelle et sonore et d'une rare intelligence.
C'est un sacré constat du monde qui nous entoure, le gris sépia du monde extérieur comme représentation des hommes et de leur tristesse intérieure, en contraste total avec la vivacité des couleurs qui nous attendent dès que l'on entre dans la Zone, endroit reculé et idyllique loin de l'influence humaine. Le travail sur les décors crée une atmosphère, une esthétique d'une richesse infinie que l'on ne retrouve nulle part ailleurs. Les longs plans-séquences nous permettent de profiter plus que de raison, on prend le temps de s'imprégner de chaque détail tout en étant en osmose avec les personnages et leur avancée sinueuse. La séquence dans le tunnel notamment soutient une grande tension, avançant en même temps qu'eux à rythme prudent et tendu, comme représentant la lente et difficile avancée dans nos propres vies respectives.
Les différentes conversations sur la vie et l'art (notamment la musique) offrent une grande profondeur, chaque personnage se complète dans ces affrontements intellectuels sans fin, et chacun ouvre un point de vue différent qui nous laisse y réfléchir par la suite de notre côté ; c'est d'ailleurs un des aspects incroyablement intéressants et primordiaux de ce film, longtemps après son visionnage on peut encore y réfléchir et s'amuser à continuer les débats lancés ici.
La Zone est comme le chemin de la vie elle-même, on avance sans pouvoir revenir en arrière et sans jamais vraiment savoir ce qui nous attend ensuite. Ici, la Chambre apparait une bonne partie du film comme la terre promise, mais au final seul compte le chemin que l'on a pris. Tarkovski le montre magnifiquement, il communique presque directement avec nous (les quelques regards caméras tout au long de l'histoire, puis le petit aparté final de la femme). La question de la foi est évidemment très présente, et vraiment réfléchie de manière intéressante ici.
Un des éléments que j'ai adoré, c'est à quel point il est capable de rassembler autant d'éléments différents en une seule œuvre sans s'y perdre une seule seconde, la mise en scène et les couleurs sont aussi magnifiques que les réflexions très tarkovskiennes, les personnages sont extrêmement bien écrits et interprétés, le son est vraiment impeccable, tout aussi riche et plein de détails que les décors. Il s'offre même quelques traits d'humour qui fonctionnent très bien, comme lors de la scène avec les allumettes et le lancer de "l'écrou" qui m'a surpris à rire.
Trop de choses à dire sur cette œuvre bien trop riche pour pouvoir bien en parler en une simple critique, trop d'éléments se bousculent dans ma tête en ce moment, je finirais donc en disant juste merci au génie Tarkovski qui me fait démarrer cette nouvelle année cinématographique avec les meilleurs espoirs pour la suite.