Émouvant

Ce biopic de facture assez classique dans son traitement m'a beaucoup touché, et je ne m'y attendais pas. Essentiellement parce que n'ayant pas lu de résumé auparavant, je pensais que le film nous narerrait leurs débuts et leurs "golden age", et que donc je rigolerai bien.

Or, après une introduction se situant d'emblée en 1937 à Hollywood, au moment du schisme entre ces deux grands acteurs ayant conduit à leur séparation, nous nous retrouvons seize ans plus tard en terre anglaise pour une tournée de "reformation", sensée faire impression aux yeux d'un grand producteur américain, afin qu'il investisse les fonds nécessaire à la réalisation d'un grand film dont ils seraient à nouveau les héros.
Mais nos héros sont fatigués et usés, même s'ils ont toujours la volonté de faire rire, et comme eux, le public, sans les avoir oublié, est passé à autre chose, va voir des stars plus jeunes sur scène, ne sait parfois plus s'ils sont encore vivants. Seize ans c'est long.

A partir de là, le jeu des acteurs va faire le reste, et nous emmener par la main et par les yeux en cet an de grâce 1953, où même les petites salles du début de tournée sont très clairsemées, où un sentiment de tendre tristesse commence à nous envahir, pour ne plus vraiment nous lâcher jusqu'à cette belle fin.

Tout du long j'ai ressenti beaucoup d'émotion, mais jamais de pitié ou de fibre pathétique. Pourtant quelle tristesse de voir ces deux monstres sacrés faire tout leur possible pour que ce film se fasse à travers ce périple anglais, quitte à rogner sur leur santé et leurs principes via des publicités ou des performances pour la fête du cochon du village voisin.
Mais quelle joie aussi de voir que ce travail paye, que ces efforts les replacent dans l'esprit des gens, remplissant de ce fait les salles jusqu'à ces fameux shows londoniens.
Quelle surprise également lors de ce face à face lors du gala, débouchant sur ces paroles blessantes, symbole de toute la rancoeur et les non dits cachés dans un coin de leur coeur depuis tant de temps.
Ce qui donne paradoxalement encore plus de charge emotionnelle à la dernière partie, une fois les problèmes cardiaques de Hardy mis en évidence.

La réalisation sans faille, les décors de cette époque, et surtout les acteurs, parviennent à sublimer ce biopic qui aurait pu etre "juste" froidement classique.
Steve Coogan est épatant en Stan Laurel, parfait dans ses mimiques et sa gestuelle, parfait dans son visage sur lequel on peut voir tout son espoir en leur duo et en leur avenir en même temps que sa résignation sous jacente et sa tristesse inéluctable. John C.Reilly est quant à lui parfait en Oliver Hardy usé mais déterminé, fataliste fidèle en amitié.
N'oublions pas leurs compagnes respectives, magnifiques dans leurs soutiens si différents et pourtant aussi inquiets mais solides l'un que l'autre. Heureusement qu'elles étaient là pour veiller sur eux et leurs santés, pour les épauler de par leurs seules présences.

J'ai vraiment été ému par ce don de soi au public, à leur carrière de comique, envers et contre tout, même lorsqu'ils savaient très bien que ce film ne se ferait pas et que cette tournée serait leur dernier moment de partage, entre eux et avec le public qui les a tant aimés et soutenus.
A aucun moment on ne verse dans le pathos, au contraire, le réal et les acteurs transforment ces sentiments, négatifs à la base, en sourires, cette petite larme au coin de l'oeil en épilogue heureux d'une vie bien remplie et gratifiante.

Le spectacle doit continuer, comme ils disent plus d'une fois, même au plus sombre de leur collaboration.