On a envie d’aimer Stand, on a envie de le défendre. Le défendre parce qu’il force le respect et le défendre pour ce qu’il représente (un acte engagé, clairement). Le défendre pour ce qu’il est et comment il a été fait (tourné plus ou moins en clandestinité en Ukraine), et le défendre enfin pour ce qu’il a à dire sur les violences et les répressions homophobes dans les pays de l’Est (attaques, vidéos en ligne de tabassages et d’humiliations…) qui restent largement impunies, et principalement en Russie avec cette triste loi que l’on connaît promulguée en juin 2013 (infraction envers toute "promotion des relations sexuelles non traditionnelles auprès de mineurs").
C’est par le prisme d’un couple que Stand évoque et montre ce quotidien difficile (euphémisme), un couple qui, un soir, assiste impuissant à l’agression d’un jeune gay. Anton veut intervenir. Vlad l’en empêche. Quand, plus tard, Anton apprend que la victime a succombé à ses blessures, il tentera de retrouver les coupables, cherchant à transcender son sentiment de culpabilité par une soif de vérité, obstinée et dangereuse. Jonathan Taïeb a une approche presque documentaire (et pragmatique) quand il filme l’intimité de ce couple (Renat Shuteev et Andrey Kurganov, parfaits) se désagrégeant au fil de la quête personnelle d’Anton, d’une portée quasi universelle (la réalité du film s’étend malheureusement à plusieurs pays d’Afrique et du Moyen-Orient).
On a envie d’aimer Stand. On a envie, même si le film souffre d’un rythme bancal et d’un aspect décousu (l’enquête suivie par Anton est parsemée d’ellipses malhabiles) qui sape parfois son intensité dramatique (même quand Vlad, affolé, tente de retrouver Anton disparu dans la nuit). La voix-off affectée, que l’on juge d’abord inutile, énonçant quelques banalités sur le destin et la morale, les jugements et les choix, prendra finalement une signification bien cruelle lors d’une dernière scène implacable (mais entravée par l’emploi superflu de l’ouverture de Tannhäuser de Wagner), cette dernière scène qui questionne la valeur, la force et la nature de nos actes : rester soi, être debout, ne pas plier, résister, et se relever… Des mots en France qui paraissent insignifiants, dénués de sens pratique, mais qui ailleurs, pour des milliers de gays et lesbiennes n’ayant pas la chance de vivre dans un pays libre, sont chaque jour d’une évidence et d’une nécessité fondamentales.
Article sur SEUIL CRITIQUE(S)