Une odeur de tabac froid. Des blue jeans. Quelques loubards, dont certains partagent notre sang. Une arme à feu. Un père violent, ancien soldat dont le fils mutilé ne supporte pas qu'on dise du mal de son géniteur. Le frère aîné d'un autre, parti trop tôt, laissant la maison familiale en deuil, prête à s'effondrer en silence. Tout ça dans un petit bled, Castle Rock. Quelques pas suffisent pour s'éloigner : clairières, sous-bois, chemin de fer, y a du choix...
Là-dedans, on finira bien par retrouver ce gosse dont on parle à la radio. Nos quatre amis, pas plus âgés que la victime, ont entendu dire que son corps est abandonné à 30km de là. Allons le trouver, ramenons-le. De quoi devenir des héros. Plus tard, l'un de nous, écrivain en herbe, racontera cette histoire. Le chien qui garde la casse où on a osé pénétrer, il pourra le décrire comme un authentique monstre, qui sait.
Partir en quête d'un cadavre, après tout, c'est morbide. Surtout à cet âge. Plus on avance, et plus on se marre. Mais pas grassement. Avec moquerie, jamais sans tendresse. Certains y causent préjugés, isolement. D'autres savent déjà qu'une fois au collège, notre route commune se divisera. Les amis, ça va ça vient. Mais cette virée là, on la comparera forcément aux autres. Seules les filles nous la feront oublier.
Finalement, on se réveille un matin avec une barbe de trois jours. C'est cet instant là que le film a su saisir et capturer, celui d'un souvenir fait de sensations. Pour ça, pas d'embrouilles de cour de récré, pas même d'école à vrai dire. La plume de Stephen King y préfère l'inattendu. Avec ce que ça comprend de bouffées nostalgiques, de gosses qui jurent, qui fument, qui rient et qui flippent. Ils sonnent aussi vrai que le décor.
On s'y retrouve en permanence ou par instants, peu importe, tout ça est déjà loin. On l'a peut-être rêvé. On aimerait tout partager à nouveau. C'est impossible. Heureusement, on a su garder quelques petits détails pour nous seuls. Ceux qui n'ont pas besoin de complicité pour rester vivaces, comme cette biche croisée sur le chemin de fer, alors qu'on montait la garde pendant que les autres dormaient encore.
Quatre potes, 85 mn, un mort. Il n'en faut pas plus à Stand By Me pour saisir au vol ce sentiment de liberté qui lui donne sa saveur. N'ayant pas grandi avec le film, je l'ai découvert tard, vers 16 ans. Le revoir aujourd'hui, c'est aussi comprendre pourquoi il a marqué son époque : parce qu'il est tout aussi agréable et touchant à l'heure des smartphones, des réseaux sociaux et des consoles 8ème génération. Un vrai morceau d'évasion.