Spock s'pique avec du speed, c'est stupide.

Le Star Trek qui a été confié à J.J. Abrams c'est un cocktail d'action qui bouge tout le temps sans temps mort et sans s’essouffler. Avec la charge de donner un coup de lifting à Star Trek et de l'adapter à un public plus adolescent, celui qui se déplace au cinéma, le vaisseau de l'Enterprise tout rutilant est un décors non plus pétant de couleurs kitsch mais d'un blanc immaculé et espacé, et les héros sont de jeunes gardons tout frais sortis de l'Académie avec des sentiments plus à fleur de peau. James T. Kirk est un jeune petit con tête brulée parce qu'il lui manque la fameuse figure paternelle, Spock est un Vulcain arrogant qui veut être plus Vulcain que tout le monde. Ils bougent vite, le film bouge vite et en tant que divertissement c'est efficace.

Sous le vernis alerte le film est plus superficiel. Il l'est dans les relations entre les personnages, surtout entre Kirk et Spock qui est centrale au film, dont il met initialement en place l'inimitié grandissante. Impossible de croire à la naissance d'une grande amitié suite à toutes les crasses qu'ils se balancent au cours du film pour s’humilier mutuellement, la résolution intervient de façon soudaine après un revirement arbitraire. Cette artificialité des relations se retrouve également dans l'empilement de rencontres que Kirk fait de sa future équipe, qui la caractérise très peu et ne sert qu'à les faire répondre présents. Bref l'intrigue dramatique elle est tout nulle. Le méchant aux motivations mégalomanes ne va pas tellement améliorer les choses, il est peu charismatique ce qui s'explique que pour un premier film, il fallait laisser la place aux héros. Il a en prime une backstory hautement capillotracté bien que l'homme continue la tendance des acteurs à la pilosité absente débutée par la soi-disante perruque de Shatner. Le dénommé Nero est en effet venu du futur par accident, et il veut se venger du Spock du futur parce qu'il a échoué à sauver Romulus dans l'avenir, parce que voyez vous dans mille ans Romulus aura été détruite et ses habitants massacrés et... Bref c'est une motivation alambiquée à base de voyage temporel, le récit aurait pu s'en délester sans problème que personne n'aurait protesté. Si ça a été placé là c'est pas pour donner une profondeur au méchant : héritier d'une franchise qui a à son compte dix films et cinq séries totalisant au moins sept cents épisodes en 2009, l'intention semble-t-il était métatextuelle plus qu’intradiégétique, il s'agissait de dire que le film a l'intention de créer une NOUVELLE LIGNE TEMPORELLE ! Son seul intérêt c'est d'auto-justifier sa propre existence en tant que reboot, ce qui en soit est foncièrement débile car personne n'en avait rien demandé.

Le paradoxe : pour un film qui se veut ouvert à un public plus large, il est celui qui fait le plus d'appel du pied au fan. Ça passe par une foule de références balancées un peu à la sauvette. Le film est constitué autour de ce fan-service pas très subtil, articulé autour cette histoire de voyage temporel qui est inintéressant mais qui réfère directement la franchise telle qu'elle s'est construite au cours des multiples séries et films précédents. Ça aspire l'attention comme un trou noir duquel ressort Spock du turfu parce qu'il fallait que l'iconique Leonard Nimoy apparaisse face caméra et que le public féminin puisse mouiller sa culotte. Oui cherchez pas. On vous a vu. Qui croyez-vous qu'étaient les premiers fans de Star Trek ?

Parce que c'est Spock qui est mis au centre, le script conspire pour en faire un centre névralgique plus que Kirk lui-même. C'est lui qui a l'évolution de personnage la plus conséquente - autour de l'acceptation de ses émotions ce qui est un sujet assez pauvre, il est adoubé "presque dernier des Vulcains", et en plus il apparaît en double exemplaire avec le Spock Nimoy.

Bon en fait Star Trek ne fait pas tant des appels de pied au fan qu'il reprend les éléments les plus iconiques qui parle au profane, celui qui ne connaît Star Trek que par ses aspects les plus diffus dans la culture populaire. Pas besoin de parler d'exploration spatiale, de découverte de l'autre, d'évolution de l'espèce humaine ni de technobabble. C'est remplacé par la notion de destinée, celle de l'amitié de Kirk et Spock qui est importante rien que parce que dans le Star Trek original ils sont amis. L'enjeu de cette intrigue n'a que pour but de restaurer au bon endroit les aspects les plus iconiques de Star Trek mais dans une nouvelle continuité, là encore une signification plus méta que narrative. C'est vain, et même pas bien fait tant la relation entre Kirk et Spock se résout de façon trop soudaine. En fait J.J. Abrams il ne fait qu'une répétition de ce qu'il fera sur Star Wars, une suite de séquences qui n'ont pour but de convoquer le souvenir de la franchise originale plus que de créer une véritable histoire - d'autant plus ici le souvenir via son vague reflet disséminé dans l'inconscient collectif. Ce qui l'empêche d'être aussi grossier que sur Star Wars c'est qu'ils se sont quand même sentis obligés d'inventer une histoire toute nouvelle, quand bien même elle n'est pas terrible et ne sert au final que de prétextes à des scènes d'actions.

Le fait que ça bouge tout le temps, qu'il n'y ait aucun temps mort, empêche de trop s'intéresser à ce genre de détails. En fait, il est probable que seul un crétin de mon genre qui en connait assez sur Star Trek finisse par penser ainsi. Il faut ajouter que la suite Into Darkness a informé ce jugement, car les défauts dont ce premier métrage fait preuve y sont démultipliés, et fatalement fait baisser mon appréciation en rétrospective.

De fait Star Trek n'est regardable que si on décide de ne pas trop y réfléchir et de le prendre comme un spectacle d'action un peu bourrin vite vu vite oublié sans trop forcer. Sinon, ça devient un film superficiel.

GaletteLaser
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le 5 févr. 2025

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