Endommagé, lacéré, littéralement démembré, puis finalement détruit, l'un des symboles de Star Trek disparaît sous nos yeux impuissants et incrédules. Prendre le risque de le maltraiter si tôt dans l'aventure secoue et surprend le fan comme le simple spectateur. Un tel risque fait peser sur ce Star Trek Sans Limites une drôle d'impression que l'on est dans l'incapacité, dans un premier temps, de verbaliser.
Le même traitement est réservé à l'équipage : séparés, isolés, ne se retrouvant pas avec leurs habituels pendants, les relations entre les personnages sont comme en suspens, traduisant la séparation (Spock), le doute (Kirk) ou donnant lieu à des alliances inattendues (Scotty, Bones), le tout sur une planète rocailleuse où le bad guy de l'histoire a trouvé refuge, en forme organique de fourmilière.
Pour le reste, Justin Lin marche dans les pas du papa de l'illustre franchise new look. En effet, comme J.J. Abrams, il offre à voir de nombreuses aventures haletantes ou désespérées dans les décombres et au coeur du conflit, à base de poursuites soutenues, de combats mano a mano (parfois expédiés quand la fin s'annonce) et de grand spectacle SF spatial généreux sur fond de CGI la plupart du temps maîtrisés. Le changement derrière la caméra se fait donc en douceur et ne chamboule pas trop, sur ce plan, les fondations de la série.
Le scénario pourra cependant paraître assez simpliste aux yeux des plus critiques, même s'il semble plus se rapprocher de la série originelle. Le moyen choisi pour se débarrasser d'un essaim, très Mars Attacks dans l'esprit, l'humour maîtrisé en moins, pourra leur donner raison. Mais ce serait malheureusement faire l'impasse sur un antagoniste qui ne prend toute sa dimension que dans le dernier tiers du film, quand les scénaristes l'habillent de motivations qui, à nouveau, laissent une drôle d'impression planer sur la conclusion de Star Trek Sans Limites. Car, volonté consciente ou non, le personnage d'Idriss Elba résonne de manière très étrange et actuelle dans notre esprit, renvoyant aux agissements des Etats U... Euh, de la Fédération au détriment de ses alliés, abandonnés, laissés à leur sort. Et des erreurs du passé, lourdes et matricielles, surgit inévitablement le nouveau mal, l'ami d'hier acteur d'un ancien monde et de ses conflits, hors de contrôle et portant une violence aveugle.
Si la fin signe un retour au statu quo ante a priori rassurant pour l'équipage et l'accueil d'une nouvelle tête, les événements du début du film laissent cependant une trace indélébile. Car Star Trek a quand même changé. Sa figure de proue ne saura plus jamais la même. En tout cas, pas celle des premières aventures décoiffantes de 2009, et ce même si ce troisième opus se hisse au niveau, voire dépasse, à mon sens, Into Darkness.
Exécuté avec métier, suffisamment spectaculaire et dépaysant pour intéresser, secouer et satisfaire, Star Trek Sans Limites se présente comme ce que l'on a fait de mieux, point de vue blockbusters, en cette saison estivale 2016 en demi-teinte, gérant les acquis de la saga tout en enrichissant l'univers et la galerie de portraits de cet "espace, frontière de l'infini"...
Behind_the_Mask, qui n'aime pas les sous-pulls (ça gratte...).