L'épisode VIII de la saga arrive à grand pas, non sans appréhension. L'occasion de se replonger dans la saga pour se remettre dans le bain. Il y a un grand débat, parmi les fans, pour savoir s'il faut commencer la saga par la prélogie et donc La Menace fantôme ou les épisodes originels pour ensuite revenir à la prélogie, par ordre chronologique de l'histoire ou par ordre chronologique de leur sortie cinéma ? J'avoue être incapable de trancher, mais ce qui est sûr c'est que*La Menace fantôme* est probablement le film le plus décrié de la saga.


20 ans après la première saga, George Lucas est revenu finir son histoire de la dynastie des Skywalker. Mais le bonhomme n'avait pas réalisé depuis de nombreuses années et surtout, ivre de tous les jouets technologiques offerts sur un plateau, il s'est essayé aux fonds verts et autres effets spéciaux parfois spécieux. Il n'a pas non plus oublié le marketing, faisant de cette prélogie une franchise renouvellée prête à déferler sur le monde pour le meilleur et pour le pire.


La Menace fantôme n'est pas un mauvais film. C'est même un plaisir de môme et pour un produit d'appel pour toute une nouvelle génération qui se rêvera jedi. On notera tout d'abord la bande originale de John Williams, au-delà des attentes, épique, tragique, puissante. On notera aussi le renouveau complet des personnages, des costumes, des décors, des planètes. George Lucas propose un univers riche, à la fois proche de l'original mais aussi singulier. On retrouve Yoda, Anakin, Obi-Wan, Palpatine, C3PO et R2D2 mais on découvre aussi Padmé, Dark Maul, Watoo, Mace Windu et Jar-Jar Binks. On cotoie de nouveau Tatooine mais on découvre Naboo et sa verdure, Coruscant et son cosmopolitisme. Tout est là : l'épopée, les batailles, le voyage au milieu d'aliens visqueux et crapuleux. Certaines scènes sont particulièrement réussies, que ce soit la ville sous l'eau, capitale du peuple Gungan, moment féérique et inédit dans la saga, le duel (à trois) final et sa musique fabuleuse, la course de module, jouissive, allusion à la Rome Antique et à ses jeux du cirque.


A cela s'ajoute une dimension politique pas inintéressante : un sénat corrompu ne peut lutter contre le lobbying belliqueux d'une vile fédération du commerce. Voilà que le grand capital envahit des planètes séditieuses pour y imposer sa loi, au détriment de l'Etat. Voilà aussi que dans la crise galactique qui s'ensuit, les Jedis, vénérables gardiens de la République, sont impuissants et les hommes politiques regardent, sans aucun pouvoir, la situation empirer. Pire, Qui Gon Jin est un jedi ambigue, obstiné, entêté, sage mais indiscipliné, symbolique de l'échec jedi à venir. Seul un homme parvient à tirer son épingle du jeu de la crise, le sénateur Palpatine, dont on connait le destin, qui, originaire de Naboo, profite de l'invasion de sa planète pour susciter l'engouement autour de sa personne. Le contexte donc, bien que parfois mal traité, a le mérite d'offrir un peu de consistance. Les allusions à notre monde sont pléthoriques : la république romaine bientôt devenu empire, la seconde guerre mondiale, la guerre de sécession et j'en passe. La dimension dystopique est une des forces du film.


Le fait de savoir ce qui va se passer : le basculement du côté obscur d'Anakin, ici encore enfant, la manipulation de Palpatine, qui deviendra l'empereur du terrible Empire galactique dans les épisodes suivant, ne gêne en rien le récit. Au contraire il lui procure une dimension tragique et inéluctable.


Ajoutons à cela le style du film : Dark Maul impressionne, plus méchant que méchant, presque aussi iconique que Dark Vader, bien que très peu présents à l'écran, Mace Windu, incarné par le classieux Samuel L. Jackson. Les véhicules, les E.T., les décors sont pléthores et jouissifs. On appréciera les clins d'oeil : du E.T. de Spielberg au Faucon Millénium, et tout ce qui fait la richesse de cet univers plein et cohérent. Le film est donc un prolongement de la première trilogie et qui n'hésite pas à faire du neuf, c'est tout à son honneur.


Mais le film a de gros handicaps : d'abord Jar-Jar Binks, qui n'est pas tant insupportable qu'inutile. Servant de caution comique durant tout le film, on apprend à le détester. Scatophile accompli, il détruit la noblesse du film par ses interventions scabreuses et inutiles, pour ne pas dire gênantes. Le film également souffre de dialogues souvent plats, de considérations politiques abscondes et de personnages creux. Le traitement et la réalisation des personnages sont froids : les émotions sont absentes, sauf pour Anakin, surjoué par Jack Lloyd. Anakin est d'ailleurs une insupportable Mary Sue dans le film et ça tranche avec le personnage qui par la suite aura des aspérités. Il peut tout, sait tout, fait tout, ce qui le rend un gamin insupportable. Les personnages, dès lors, n'ont pas d'intérêts si ce n'est de faire avancer l'histoire, parce que mal écrits et avec des dialogues creux et hors d'âge.


La mise en scène, très classique, n'apporte pas de réelle profondeur au film. Elle se contente de montrer le gigantisme et la richesse d'un univers dans une forme de surenchère qui était absente de la première trilogie. Le paradoxe du film est que son background est passionnant mais son traitement trop superficiel . La multiplication des effets spéciaux, qui ont parfois mal vieilli, rend l'univers plus artificiel, moins authentique. Certes on retrouve des décors peints, des marionnettes, et tout ce qui faisait le charme de la première trilogie mais noyés dans des fonds verts. Puis, la dimension guerrière est trop présente : les pacifistes habitants de Naboo sont en fait des êtres racistes qui discriminent les Gungans. Les pacifistes habitants de Naboo ont aussi une flotille spatiale, au cas où et des chars et des soldats, au cas où. La fédération du commerce, elle, a carrément de quoi détruire le monde. Comme s'il fallait justifier le titre de la saga, on est dans la surenchère de la bataille. Certes, c'est jouissif, certes ça a du style, mais ça reste très belliqueux, inutilement presque, juste pour voir des joujous s'entretuer à coup de lasers.


La Menace fantôme est une critique du capitalisme mais aussi un pur produit marketing, conçu pour vendre de la peluche à gogo. C'est un peu tout le paradoxe. Surenchère bien plus policée que la première trilogie, le film pêche en fait par ses excès tout en offrant une extension passionnante de l'univers originel. Le film est de loin le plus original de la prélogie, mais aussi le plus brouillon par ses personnages farfelues, ses scènes inutiles et sa platitude manichéenne. Reste qu'il est un bon divertisement, admirablement produit, qu'il a su lancer l'ère du numérique au cinéma, qu'il a su renouveller la franchise et apporter des dimensions intéressantes à l'univers mais l'ombre de Jar Jar Binks, visqueuse et débilitante, lui colle à la peau, flasque.

Tom_Ab
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le 7 nov. 2017

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