A l'heure d'Internet, taper sur La Menace Fantôme est devenu un sport. Et à force d'entendre "La prélogie c'est naze" et autres "Jar Jar Binks est insupportable", on finirait par croire qu'il s'agit vraiment d'un infâme étron. C'est oublier que 20 ans séparent la trilogie de la prélogie et que le public qui a aimé les Ewoks a grandi, quand bien même Lucas vise le même public que l'épisode VI avec l'épisode I. Donc même si les fans de la première heure ont été déçus, cela n'empêche pas les autres d'apprécier ce film pour ce qu'il est, c'est à dire un divertissement honnête, plombé par des défauts malheureux.
Rentrons dans le vif du sujet avec l'aspect enfantin du métrage. Alors oui, c'est vrai, Jar Jar et son côté benêt, on pourrait s'en passer. Tout comme les gags qu'il apporte et qui suscitent, selon votre patience, une poker face (le rayon du pod) ou une consternation profonde (le pet). On sait bien qu'il est là pour maintenir éveillés les enfants de la salle, mais il reste à l'arrière plan, il ne devient pas le centre d'attention à chaque gaffe.
Je comprends beaucoup plus quand quelqu'un me dit qu'il a du mal avec Anakin. Là encore il est présent pour que le jeune public puisse s'identifier, et on peut remercier les scénaristes de ne pas en avoir fait un de ces gamins pénibles typiques du blockbuster (coucou la fille de Jurassic Park 2 et le mioche de Speed Racer). Le problème se situe plus dans son jeu, qui est tout à fait catastrophique. C'est en partie dû à son jeune âge, mais c'est difficile de lui en vouloir quand on voit le casting entier débiter son texte sans émotions. A partir du moment où c'est C-3PO qui est le plus convainquant, il est temps de remettre en question la capacité de George Lucas à diriger ses acteurs.
On peut aussi questionner ses choix de mise en scène. On sent qu'il a réfléchi ses plans en terme d’efficacité avant tout. Cela ne veut pas dire que c'est mal filmé, l'ensemble d'ailleurs profite d'une esthétique plutôt travaillée, mais Lucas s'est créé sa petite zone de confort, cela reste académique tout en nous en mettant plein la vue. Et cela fonctionne à plusieurs moments : le duel final avec le grand thème de John Williams, la course de pod si maîtrisée qu'elle peut se passer de musique mais aussi la bataille entre les gungans et les droïdes, trop souvent oubliée.
Dans l'ensemble, ce qui fait que ce film marche, c'est que l'univers emporte le spectateur, et le réalisateur l'avait déjà compris en 1977. Il profite de ce prequel pour enrichir ce monde : dans chaque plan il y a un petit détail, que ce soit au niveau de la technologie, de la mode ou de l'architecture, qui rend le tout vivant. Les quelques clins d’œils disséminés sont plus présent dans l'optique de créer un lien cohérent entre les deux trilogies que pour flatter les trentenaires/quarantenaires venus au cinéma par pure nostalgie. Et quelque part, c'est bien que Lucas n'ait pas fait exactement le film que les aficionados attendaient, il savait que la nouvelle orientation n'allait pas plaire à tout le monde mais il a fait La Menace Fantôme selon sa vision, se rachetant ainsi une (petite) crédibilité artistique.