Pris entre deux feux, George Lucas doit tenir sa promesse et enfin proposé une avancée dans le développement du drame et de la chute de la démocratie. Le premier épisode avait de quoi festoyer entre ses clins d‘œil et ses souffles épiques, mais n’arrivait pas encore à se détacher de ce que l’on connaissait déjà. Ce volet offre ce regard tant attendu sur l’univers d’une République sur ses gardes, avec ses failles dans son système politique. Cependant, le réalisateur semble mieux maîtrisé l’instrument technique que les émotions, car il tente de rattraper ce qui lui a manqué précédemment. Il ouvre ainsi les enjeux sociétaux qui se font discrets, car on préfère rester auprès de Skywalker et suivre son dilemme passionnel. C’est alors que l’on commence à prendre conscience des limites de l’influence de l’Ordre Jedi ou encore du Sénat qui prend une place intéressante, en arrière-plan d’une intrigue pivot vers la dernière pièce ou pont entre deux trilogies.
Pas de temps à perdre, le rythme est un atout majeur dans cette prélogie, qui rattrape son destin. Sous des tons au design à la « Blade Runner », nous découvrons la capitale de la République sous un nouvel angle. Le fond du panier, c’est un peuple qui défie les lois car la criminalité y sévie. Mais nous ne restons jamais assez longtemps dans cet environnement pour comprendre que le danger existe, malgré des courses-poursuites qui ne volent pas en émotions. Est alors lâché un Anakin (Hayden Christensen) sauvage dans un monde qu’il appréhende à peine et dont il a du mal à refouler ses sentiments pour faire son devoir. Cette discipline religieuse se rapproche inconsciemment de la rigidité de l’Empire et cela se comprendra par la suite. Et quelle différence y a-t-il avec un soldat, vivant dans la servitude de maîtres qui servent souvent leurs intérêts ? L’arrogance vient souvent accompagner la réponse à cette question. Le jeune apprenti est mis en retrait par ses alliés par crainte, car sa force mentale dépasse ce en quoi il doit croire. Sa liberté personnelle est questionnée par le désaccord d’un maître Mace Windu (Samuel L. Jackson) notamment, qui est le symbole du code sacré, alors que Yoda symbolise un médiateur modéré et toujours bienveillant. À l’opposé, le charisme du Comte Dooku, Dark Tyranus, offre une inquiétude plus ferme et froide, tout en finesse. Comme quoi, bondir n’a pas plus d’intérêt que de monopoliser l’effort au bon endroit et au bon moment.
Et c’est dans l’excès de confiance que la conspiration prend forme et les Jedi mènent l’enquêtent, telle la police de la galaxie. Et si Obi-Wan campe magnifiquement le shérif de l’espace, on trouvera bien un bandit qualifié et à la hauteur de sa sagesse. Jango Fett (Temuera Morrison) reprend tout ce qui a fait le charme du mystérieux Boba et on nous livre petit à petit des réponses sans nuances d’un avenir connu. C’est bien dommage de s’arrêter à ce constat alors que la saga regorge de fresques picturales, mettant en scène des duels psychologiques, d’abord avec soi-même, comme pour Anakin, ou avec l’illustration d’un idéal. Le tout vire sur une idylle avec une Padmé indépendante, mais qui suggère bien une façade féministe, propre à ses convictions vis-à-vis de la justice. Difficile de ne pas reconnaître une Leia en elle, hormis les originalités capillaires que l’on nous propose. Malheureusement, le cliché n'est jamais très loin. La mise en scène se démarque légèrement des autres comédies romantiques grand public et nous avons donc à faire à une relation ambiguë, subtile et mature, à côté d’une colère croissante et juvénile. Voilà enfin un peu plus de profondeur dans les personnages, mais ce ne sera pas régulier tout au long d’un récit qui se revendique clairement comme une transition, d’où cette lente chute qui s’égare souvent en cours de route.
Et si l’événement souhaite recouper avec l’existence des stormtroopers, les clones ne sont pas vraiment questionnés sur la nature de leur conditionnement et de leur libre-arbitre. À ce stade, le développement est primaire, mais parvient à annoncer le début d’une nouvelle guerre, semblable à une guerre de Sécession. L’implication des Jedi tient d’ailleurs davantage du fan service que de la pertinence. La démonstration de force à l’œuvre est sans doute attendue et jouissive en un temps, mais ne proposera jamais une mise en scène à la hauteur de son début de drame. Co-écrit avec Jonathan Hales, Lucas peine à se relever avec « Star Wars : L’Attaque des Clones », qui dispersent ses péripéties, sans les lier de quelconque manière à l’évolution d’Anakin, sauf quand cela nous est utile. Il ne trouve plus la justesse d’autrefois, qui parvenait à rendre un petit groupe de héros attachants et cohérent avec leur quête. Si la lutte du bien contre le mal est toujours d’actualité, ce film reste aussi maladroit que le précédemment, malgré avoir gagné en ton dramatique, mais parvient toutefois à préserver l’intérêt d’un dernier épisode, qui promet les rebondissements qui vont connecter deux générations.