Rappel de mes propos préliminaires : à la suite des heures consécutives sur le dernier jeu tiré de l'univers et de la lecture navrante d'une critique sur l'un des opus de la Prélogie, l'envie s'est fait sentir de repartir dans les tréfonds de mon enfance et d'affronter l'un des piliers de ma culture cinématographique. Je ne cacherai pas que je suis l'un de ces enfants de la "génération Prélogie" (dîtes aussi génération "Septembre 2001", à vous de choisir) mais je vais essayer de dépasser la subjectivité inhérente à ce que m'ont fait ressentir ces trois opus.
Inévitablement, cet opus mérite qu’on s’y accorde. Comment l’éviter ? (En dehors de ne pas écrire cette critique, évidemment).
Ecrire sur ce film, c’est indubitablement parler de mon amour pour le cinéma. Oui, paradoxal. Car en soi, ce film réussit le pari d’être à la fois un exploit technologique et l’un des nanars les plus chers de la Galaxie…
Pour être aussi précis que possible, ce film n’est pas un nanar, déjà car il n’en a pas la prétention mais surtout que cela se limite surtout à un fort potentiel nanardesque sans tomber irrémédiablement dans cette catégorie. Mon revisionnage récent m’a fait apparaître ce film comme un ensemble consternant. Des bonnes idées, des plans très techniques mêlés à une exécution franchement ratée et un dialogue général aussi subtil que le passage d’un char d’assaut dans une maison de retraite…
Repartons au début, voulez-vous ? A la suite du succès planétaire de son premier opus, Lucas imagine le deuxième acte fondateur de sa postérité, non pas une suite mais huit ! Neuf films pour trois trilogies étalées sur quarante années humaines. Trois trilogies pour décrire l’impact d’Anakin Skywalker et de son héritage sur le sort de la Galaxie. L’aube du XXIème siècle et les avancées technologiques, notamment des effets spéciaux développés au Ranch Skywalker, permettent à Lucas de donner corps à ses rêves.
Car, Lucas ose et ne se prive pas. Il ose notamment commettre un crime de lèse-majesté en retouchant la sacro-sainte trilogie originale. Usant et abusant des retouches digitales, Lucas profite de la Prélogie pour reconnecter les six films ainsi sortis. Effacement de l’acteur original d’Anakin pour le remplacer par Hayden Christensen dans la scène finale du VI, transformation complète du personnage de Jabba (simple personnage humain ainsi devenu la limace que l’on connaît)… les modifications sont légion. Sans oser parler du crime dans le crime de la confrontation Han Solo / Greedo, qui fera mon affaire dans la future autopsie de la trilogie originelle.
Bref, Lucas, tel un enfant s’amuse en utilisant le plein potentiel du côté obscur des effets spéciaux. L’apothéose de son œuvre est donc l’opus qui nous intéresse. La Revanche des Sith ou l’œuvre lucasienne absolue. Trente ans de folie artistique et d’incompétence de direction cinématographique résumés en un seul film de 2h20. Est-il techniquement possible de synthétiser trente ans en deux pauvres heures ? Lucas, suivant les conseils d’un maître Jedi bien connu, ne se privera pas de le prouver à travers cette conclusion.
« Fais-le, ou ne le fais pas. Il n'y a pas d'essai », comme disait le vieux con. « Qu’à cela ne tienne », lui répondra Lucas.
Et autant être clair, il tiendra toutes ses promesses.
D’abord du spectaculaire. Je pense qu’on peut s’accorder sur ce point. Oui, les équipes techniques et le renfort de Spielberg (ayant au préalable refuser de travailler sur la trilogie originale) donneront du tonus à cet épisode. Et autant ne pas tergiverser. De nouveau, Lucas n’oubliera pas les fans dont il traitera les remarques et critiques avant autant d’intérêt qu’auparavant… Donc, à quoi avons-nous le droit dans cet opus ? Encore plus de fonds vert, encore plus de démesure, de pirouettes et de politique…
Qui pouvait l’empêcher d’être mesquin après tout ? Tout ce qui lui restait, c’est de se servir des larmes de rage d’impuissance de ses fans pour assaisonner ses plats. Le recyclage avant l’heure donc.
Pour en revenir au film, la scène d’introduction met le spectateur sur le fait accompli : cela sera épique ou ne sera pas. A la démesure des plans, la bande-sonore fait monter la pression. Encore une fois, John Williams prouvera que sa réputation n’est pas usurpée. Il y a des morceaux de toute beauté qui arrivent à transcrire toutes les émotions que le scénario cherche à provoquer. Chaque minute de ce film nous rapproche vers la fin, forcément tragique. Non, pas la Fin mais seulement une fin intermédiaire pourtant décisive. La première heure du film, quant à elle, ne sert qu’à installer le cadre avant l’acte final.
Dans cette première partie, on représente les différents personnages pour ceux qui dormaient au fond de la salle. On évacue sèchement le Comte Dooku pour faire place à l’une des meilleurs idées de cette trilogie : le Général Grievous ou méchant droïde final. Conçu comme un némésis d’Obi-Wan, il servira surtout de prétexte pour éloigner ce dernier tandis qu’Anakin fait face à des choix cornéliens, laissé seul sur Coruscant. Grievous représente encore une fois un paradoxe très lucasien. Sur le papier, cet adversaire a tout pour être crédible, disposant d’atouts conséquents, son introduction dans le film, son phrasé et son physique hautement aphrodisiaque (ah bon, pas pour vous ?).
Mais, ce qui va pêcher, encore une fois, c’est son traitement. Expéditif et bien trop lacunaire. A l’image finalement de tout le reste.
Anakin, par exemple. L’agonie d’un chevalier Jedi qui perd la confiance progressivement de ses supérieurs, les tourments d’un mari et futur père, la peur d’un homme de perdre ceux qu’il aime, la manipulation d’un mentor et finalement sa chute inexorable en voyant tout ce qu’il craignait arriver ? Tout cela est bien présent. Mais pour une trilogie qui avait pour objectif de raconter la vie d’Anakin Skywalker de son enfance à l’avènement de Dark Vador, d’établir un parallèle entre sa chute et celle d’une République où la liberté est sacrifiée pour la sécurité, le développement est assez mince en vérité. L’arc Grievous ne ressemble-t-il pas à cache-sexe sur l’impossibilité de Lucas à disserter sur des sujets « lourds de sens » sans être desservi par un dialogue pitoyable ?
La vraie question, c’est comment une prose de Palpatine lors la proclamation de l’Empire (cadeau : https://www.youtube.com/watch?v=hS57I6swXcc) peut -elle coexister avec ce genre de dialogue ? (re-cadeau : https://www.youtube.com/watch?v=Ak516vtDTEA) C’est purement et simplement incompréhensible. Comme si Lucas sabordait son propre travail. Car oui, si Lucas utilise par exemple le plein potentiel d’Ian Mcdiarmid, impeccable et hallucinant de mimique, le résultat global est assez contrasté.
On en vient à a deuxième promesse de Lucas. Après le spectaculaire, le dérangeant.
Superbement incarné par la quasi-intégralité des dialogues mais aussi par des moments d’anthologie (décidément, je vous gâte : https://www.youtube.com/watch?v=rEq1Z0bjdwc).
Bref, Lucas fait du Lucas.
De très belles scènes sont saccadées et d’autres sont affreusement étirées. Typiquement, deux scènes se distinguent de toute la masse informe. Tout d’abord, la scène de l’opéra où Anakin retrouve le -seulement- Chancelier Palpatine qui a des informations à lui transmettre. Le décor et la bande-sonore installent une pression absolue sur cette entrevue. Rien de violent mais un tel basculement narratif. Voir Palpatine prendre un malin plaisir à torturer psychologiquement Anakin est un régal. Et loin des éclats des batailles spatiales et de la chorégraphie des combats, Star Wars prend aussi tout son sens dans des scènes comme celle-ci. D’ailleurs, connaissez-vous l’histoire de Dark Plagueis le Sage ?
Hum hum, veuillez m’excuser…. Oui, tout marche dans cette scène. Et la même chose peut être écrit pour la scène de coucher de soleil sur Coruscant dans laquelle Padmé et Anakin semble se regarder d’un bon de la planète à l’autre. Rarement autant une scène ne m’a paru autant symboliser la fin d’un monde. Beau, intense mais affreusement écourté. Et finalement, pas tant par crainte de voir le rythme ralentir (syndrome Disney) mais parce que Lucas craint de devoir écrire de bons dialogues… ce qui semble ironique vu que les seuls sons sont ceux de la bande-sonore !
A l’inverse, les combats sont affreusement étirés. Si l’on peut admirer les cascades et l’effort fournis notamment sur le combat sur Mustafar (douze minutes tout de même), on se rappellera que tout le temps passé par les acteurs à répéter des chorégraphies léchées manqueront pour donner corps à un dialogue, par ailleurs insipide. C’est un choix artistique clairement. Et on a le droit d’être en désaccord.
Du reste, oui, la prouesse d’un tel duel est affolante de réussite. Christensen et McGregor ont donné tout ce qu’ils avaient pour cette lutte fratricide. Le combat est intense, émouvant et peut être assurément considéré comme le combat le plus abouti de la franchise. Et je ne parle pas juste de la technicité du duel mais aussi du combat à mort entre deux frères dont la relation est assez justement dépeinte depuis deux films.
Parce que, oui, Lucas n’a pas tout raté. Il est arrivé à vendre une romance malgré des dialogues abscons. Il est arrivé à construire un narratif autour de concepts (République, démocratie, liberté, sécurité) dont il n’arrive manifestement pas à cerner toutes les subtilités, sans dérailler. Il parvient, enfin, à construire une histoire et une enfance à l’un des personnages les plus populaires de la culture populaire sans tout détruire.
Bref, peut-on pardonner à Lucas de n’avoir pas développé l’Ordre Jedi (ses membres, sa philosophie, etc.) dans cette trilogie, neutralisant au passage l’effet tragique de l’Ordre 66 ? Doit-on excuser l’existence de Jar Jar Binks ? Devons-nous absoudre Lucas pour ces dialogues affligeants ? Doit-on réhabiliter l’utilisation -somme toute- excessive des effets spéciaux et fonds vert ? Peut-on passer outre le traitement expéditif de certains personnages à fort potentiel ?
Non.
Mais rappelez-vous que George Lucas vous emmerde profondément.
PS : suivant l’exemple de mon maître à penser, j’ai décidé de n’en faire qu’à ma tête et donc de réévaluer cet opus. 5/10 m’apparaît comme une note acceptable pour un film sabordé par ce qui fait sa force : Lucas lui-même. Donnant pour résultat, paradoxalement, l’un des plus faibles de cette trilogie après revisionnage.