George Lucas clôt sa prélogie mieux qu’il ne l’a menée.
Si le film n’est pas un chef-d’œuvre, on y trouve plus de mise en scène narrative que dans les deux précédents épisodes et un semblant de fond et d’interrogation qui dépasse le cadre stricte de l’univers Star Wars pour toucher à l’universel, au social, à l’humain.
Même si je ne suis pas certain que George Lucas l’ait vu.
Les problèmes de narration sont les mêmes que pour les opus précédents : dans l’ensemble, on sait où va l’histoire et ce qu’il advient des personnages. Le suspense est inexistant. Ainsi la première séquence n’a que peu d’intérêt puisqu’avant même les héros, le spectateur sait que le chancelier Palpatine sert volontairement d’appât dans un piège qu’il a lui-même tendu au jeune Skywalker dans le but de le voir à l’œuvre. La manipulation se renforce encore, lourdement. Pour les personnages du film mais aussi pour le spectateur. Et la crétinerie d’Anakin, qui se laisse mener par tous ceux qui l’entourent, empêche ce même spectateur de s’identifier.
La densité du scénario, dont les points importants à aborder sont nombreux, empêche souvent sa fluidité : les exécutions de Jedi à travers la République sont filmées mais à peine traitées, succession trop rapide et dénuée de sentiments de courtes séquences parfois ratée – à se demander même si la réalisation n’en a pas été confiée à un ou deux jeunes techniciens. Le seul méchant valable de cette trilogie meure en cinq minutes pour être remplacé par un robot qui tousse ( ?), certes impressionnant de virtuosité au sabre, mais sans charisme.
Et le maquillage de Palpatine devenu empereur est grotesque.
Graphiquement par contre, outre les effets et image numériques parfaitement intégrés, le choix des éclairages, des décors et des costumes, participe enfin d’une volonté de raconter quelque chose : ce basculement d’Anakin vers le côté obscur (entrevue avec Yoda dans la pénombre, retrouvailles avec Padmé dans le contraste sombre et secret d’une colonne, costume de cuir noir du padawan, éléments de décor noirs, etc…) et la naissance finale de Darth Vader.
Quelques passages appréciables pour les fans de l’univers mais loin de la puissance de la première trilogie.
George Lucas clôt son film à la manière d’un opéra galactique, dans le feu et la fureur, l’apothéose vient enfin, un peu tard mais mieux vaut tard que pas du tout. Avec la chute d’Anakin, le réalisateur évoque aussi l’avènement de l’Empereur Palpatine et plus largement des systèmes totalitaires.
Padme le sait :
« Ainsi s’éteint la liberté… sous une pluie d’applaudissements »,
ou comment les hommes sont prêts à abandonner leur liberté pour une illusion de sécurité, un problème toujours actuel des démocraties occidentales, un peu trop survolé pour appuyer le message mais c’est mieux que pas de message…
Le film est moins bon que dans mon souvenir, les enjeux trop souvent mal exploités, et l'empereur George Lucas confirme ici que c’est bien lui qui a basculé du côté obscur de la production, de ce côté qui fabrique de l’image pour amener du monde en salle et aux magasins de jouets plutôt que de celui du rêve, de l’histoire et des frissons.
Vivement la suite il y a vingt ans, vivement l’original !
Matthieu Marsan-Bacheré