Je n'avais pas prévu d'en parler. Du moins, pas dans un premier temps. Écrire une critique à chaud est une façon de faire qui se prête bien à certains, mais pas à moi. J'ai besoin de laisser les choses maturer dans mon esprit. Un recul m'est nécessaire afin de bien prendre en compte l'œuvre dans son ensemble et d'en dégager les points forts comme les points faibles. Mais la tentation était trop grande, je n'ai pas pu m'empêcher de joindre mon humble avis à la course folle lancée depuis quelques jours ...



Subjectivité en mode Hyper-Espace enclenchée



Il se trouve que pour ce Réveil De la Force, la comptabilité est sans appel. J'ai éminemment plus de quoi me réjouir que de points à déplorer; et c'était franchement pas gagné d'avance tant le projet mis en place par J.J. Abrams et Disney avait l'allure d'un funambule se déplaçant sur un fil. Un faux mouvement, un simple pas trop appuyé dans une direction et la chute en fut assurée. Entendons-nous bien, je parle ici de réussite artistique, il était évident que le film serait un Hit mondial, peu en importait sa valeur intrinsèque. Mais compte tenu des enjeux et des attentes, STAR WARS VII a réussi à rendre ses lettres de noblesses à une saga culte, quelque peu altérée par une seconde trilogie bancale. Voici mon analyse.


STAR WARS VII reprend le même schéma narratif que l'épisode 4, quasiment points par points. À noter que l'épisode 1 reprenait déjà lui aussi cette même construction. Beaucoup voit en ce parti pris une forme de paresse, un reboot qui ne dit pas son nom. Je ne vois pas les choses de cette manière. Je trouve cela au contraire cohérent que de préfacer une nouvelle ère dans la saga en reprenant les fondamentaux. Star Wars est un éternel recommencement, un combat infini entre le bien et le mal, en ce sens, il retrouvera toujours les mêmes bases fondatrices et mythologiques dans son récit. Un héros qui s'ignore, un ennemi surpuissant tentant d'anéantir toutes résistances etc ... le tout est d'arriver dans les épisodes suivants a développer de nouvelles aventures à partir de la structure codifiée d'ouverture. Cela donne une dimension éternelle et universelle à la saga. Néanmoins, je peux entendre qu'un brin d'audace supplémentaire aurait été judicieux. Nous sommes en 2015, L'empereur Lucas n'est plus aux commandes, peut-être J.J. Abrams aurait pu s'affranchir un chouia de plus des carcans originaux, oui, admettons ...


Les nouveaux personnages introduits sont une des grandes réussites du film. Rey, réminiscence de Luke Skywalker, est parfaite dans ce rôle de héros sans racines qui aspire à de grandes choses. Une jolie scène illustre d'ailleurs cette idée: Adossée à une carcasse de quadripode TB-TT dans le désert, elle porte un casque de pilote de l'alliance et rêve à une autre vie, libérée de sa condition de prisonnière sur cette planète. Cette scène fait évidemment écho à Luke Skywalker qui interprétait les batailles spatiales avec ses maquettes de vaisseaux, coincé lui aussi sur sa planète. Daisy Ridley incarne brillamment ce mélange de courage, de détermination mais aussi d'impuissance devant cet univers qui s'agite subitement sous ses yeux.
Le stormtrooper rebelle, Finn, fait correctement le job. J'ai moins été marqué par sa performance, tout en sueur, mais on ressent aussi chez lui cette crédulité innocente face aux événements.
Mais la grande révélation pour moi de ce film, c'est Kylo Ren. Je sais qu'il divise pas mal, mais je trouve ce personnage d'une justesse rare. Il est l'exact opposé de Dark Vador. Il n'est encore qu'un gamin en réalité, un gamin en apprentissage qui joue au sith, un gamin encore tenté par la lumière. Cette réalité est d'ailleurs probante lorsqu'on assiste à ses accès de colère. Il brandit son sabre laser et détruit tout autour de lui, furieusement, comme un adolescent enverrait valser tout ce qui se trouve sur son bureau. Son visage, celui d'Adam Driver en l'occurrence, représente parfaitement cette dualité entre juvénilité innocente et tourments intérieurs. Et la révélation si précipitée de son identité corrobore ce propos. Le casque est trop lourd à porter, littéralement. Il n'est qu'un artefact pour masquer ses faiblesses, pour essayer de donner le change, mais il ne convainc que plus faible que lui. Ses parents, Rey et même ses supérieurs du Premier Ordre ressentent cette fébrilité coupable qui le ronge.
Ce miroir inversé avec Vador est plutôt malin dans l'écriture et inaugure une évolution qui sera passionnante à suivre ...


Le retour des vieux Héros est aussi réussi, on les sentirait presque émus de se retrouver 35 ans plus tard dans les mêmes costumes. Solo fait du Harrison Ford, donc le fait bien, et Leia quoique plus effacée, porte toujours ce regard empreint d'empathie sur ses compagnons. Mention spéciale aussi au petit BB-8, sorte d' «upgrade» plus espiègle d'R2D2. Cette double sphère dégage une sympathie et propose heureusement bien plus qu'un simple comic relief.


Mais la véritable épreuve pour J.J. Abrams était de réussir à recréer cet univers si particulier. Comme le laissait présager les teasers et autres vidéos marketing, savamment distillées au long de l'année, il est revenu à ce qui faisait la substantifique moelle de Star Wars: un assemblage de costumes, de maquillages, de maquettes et de décors réels. Un artisanat du Cinéma. Le retour aux sources nécessaire pour nous faire replonger nous, spectateurs, dans cette galaxie lointaine. Surtout après l'avalanche de surcouches grossières des CGI de la prélogie ...
Nous retrouvons donc tout un bestiaire magnifique de créatures plus déjantées les unes que les autres. La redite de la scène de la Cantina propose de nouveau ce panel de piliers de comptoirs aux gueules affreuses. Et ça tient parfois à rien, comme lors de cette scène ou BB-8 traverse le désert sous les yeux curieux d'un monstre sortant la tête du sable. C'est cet ensemble de petits détails, de scénettes anodines qui constituent le label Star Wars, et ça, J.J. Abrams l'a bien compris.
Mais plus fort encore, il parvient à dynamiser les séquences iconiques de la saga. Les batailles aériennes X-Wing VS TIE fighter 2.0 ont franchement de la gueule. Les vaisseaux n'ont plus ce coté lourdaud à l'inertie molle que pouvaient avoir ceux des anciens films. Ici ça décolle, s'envole, pique et décroche. Un véritable ballet de joutes martiales dans le ciel.
Le duel au sabre laser retrouve de sa superbe également. Fini le coté emprunté des premiers films ou les délires acrobatiques de la prélogie. Les coups tapent, et tapent dur. Tu sens les muscles se bander lors des impacts et la chaleur se dégager de l'épée. Je pense qu'il était important de revenir à ce coté brutal du combat. Ça rajoute de la gravité et de la tension à l'ensemble.


Mes réserves concernant le film sont dérisoires, ou du moins, n'adoucissent en rien la réussite du film. J'avoue avoir trouvé la scène des retrouvailles avec Solo et Chewie loupée. J.J. Abrams aurait pu se passer de ses grosses limaces baveuses ... Et le coup des 2 groupes de contrebandiers se pointant en même temps, Mouai ...
L'autre légère déception concernant le film m'est propre. En tout cas, je n'ai trouvé nulle part quelqu'un d'autre déplorer cet aspect. J'ai trouvé le film très « terrestre ». Trop en réalité. On saute d'un paysage à l'autre, d'une planète à une autre, mais il m'a semblé que film manquait de plans dans l'espace paradoxalement. Hormis l'immense Starkiller et quelques vaisseaux impériaux stationnants entre les astres, je n'ai pas retrouvé ce sentiment d'immensité stellaire que proposait la première trilogie. Léger bémol.


Les retrouvailles avec mes vieux Héros sont donc plus qu'enthousiastes. Je me suis délecté de chaque minutes de ce film et il me tarde déjà de retourner à bord pour un deuxième tour. Oh je suis bien conscient qu'inconsciemment sans doute, je ferme les yeux sur pas mal de défauts. Je sais que quelque part, je ne suis toujours que ce gosse aliéné devant cette épopée exubérante.


Le tampon Star Wars est si envoûtant ...


Mais Ce Réveil de la Force est à l'image de sa scène finale. Un passage de témoin à la subtilité absente mais à l'intensité véritable. La magie a opéré, je ne pourrais le nier. Il s'agirait maintenant d'inventer une suite à ce blockbuster soigneux qui a restauré avec force le pouvoir d'une galaxie lointaine.

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le 21 déc. 2015

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Liverbird

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