Critique à refaire, il me semble avoir été beaucoup trop indulgent avec les défauts du film.


Ce n’est qu’au retentissement cataclysmique du générique de début que j’ai réellement pris conscience de ce qui défilait sous mes yeux. Cette passionnante saga de science-fiction, dont la grammaire est rentrée dans le langage courant reprenait vie une nouvelle fois, sous mes yeux. Et ce par un film qui dégage l’odeur familière du frisson épique, de l’exploration galactique et du combat perpétuel entre l’obscurantisme et la lumière, la haine et le pardon, la passion et la raison. Il y a dans ce « Star Wars VII » un vent nostalgique, comme une étoile vacillante redoublant soudainement d’éclat. Une lueur chaleureuse, qui se complaît dans une forme de régression sans qu’elle en devienne vaine, bien au contraire.


C’était un bien lourd fardeau qui reposait sur les épaules de J.J. Abrams et son équipe : celui de donner une suite crédible, sensible, novatrice mais sans digression à la trilogie « Star Wars » originale, comme pour faire oublier une préquelle loin de faire l’unanimité. C’est donc avant tout un film de convertis pour les convertis à la religion de la guerre des étoiles. Il y avait alors à craindre que ce nouvel opus soit un monstre désincarné, truffé de références sans profondeur scénaristique. Son devoir d’hommage est certes omniprésent : de la présence des acteurs originaux à celle des artefacts de la saga composés du Faucon Millenium, casque de Dark Vador et j’en passe, sans oublier les bruitages, répliques et musiques inoubliables, les étrangers à la série passeront à côté du plaisir de retrouver ce qui a bercé l’enfance de beaucoup d’entre nous. Ces renvois aux épisodes IV, V et VI ne constituent pourtant pas le sel du film, ils font partis du décor, mais ne passent jamais au premier plan, preuve d’une ambition toute autre : celle d’installer un récit qui s’émancipe tout en fusionnant avec ce qui le précède. L’émancipation se traduit à l’écran par le meurtre, tandis que la fusion se réalise par ces deux cartes d’étoiles qui prennent uniquement leur sens lorsqu’on les rassemble.


L’architecture scénaristique du film est traversée par le même paradoxe : il est encore question d’une arme de destruction massive détenue par un régime totalitaire, qu’il compte utiliser contre une résistance aux valeurs démocratiques, et de plans secrets pouvant faire basculer l’avantage pour l’un ou l’autre des camps. Rien de nouveau sous le soleil, dirait-on, l’aspect politique du film est expédié à demi-mot au profit de l’action et l’émotion, là où la prélogie en faisait sa préoccupation majeure. L’ombre du totalitarisme est néanmoins présente, notamment par une scène de discours d’un amiral impérial, purement hitlérienne.


Le classicisme des enjeux est contrebalancé par la dimension humaine dans laquelle réside le principal intérêt du film : force est de constater que cet opus installe bons nombres de personnages forts et surprenants. Si Oscar Isaac ne joue effectivement pas un rôle substantiel, le personnage du stromtrooper en proie au doute et à l’horreur de sa propre identité est d’une pertinence rare. Sans passé, pétri de peur, déshumanisé par un mécanisme guerrier inébranlable, il affronte la réalité avec la simplicité d’une romance (pour l’instant) platonique, et d’un courage désespéré par la solitude. C’est d’ailleurs ce sentiment qui réunit plus que jamais chacun des protagonistes, comme si l’immensité de l’univers de la saga ne leur suffisait pas pour trouver la place qui leur convient. Cette névrose est à l’origine des moments les plus forts du film qui, s’il laisse une part de mystère prometteuse pour la suite, remue les tripes de bout en bout et n’est avare ni en rebondissements ni en révélations.


Un scénario riche et trépidant qui ferait presque oublier la réussite formelle du film : que ce soit dans les moments contemplatifs, émouvants, humoristiques, pyrotechniques ou bien de haute voltige, J.J. Abrams impose un rythme d’enfer, tantôt lancinant, surtout entraînant, baladant sa caméra avec virtuosité. Et que dire de ces décors grandioses, à l’image de cette carcasse de vaisseau impérial en plein désert, ou de ce bestiaire toujours foisonnant, si ce n’est qu’ils sont d’autant plus mémorables grâce à une photographie soignée et un souci de réalisme sensuel ? Une réussite hollywoodienne qu’on espère voir se déployer avec autant de brio par la suite : à raison d’un film par an d’ici 2019, la mythologie « Star Wars » risque de s’agrandir à ses dépens.


Ma critique de "La Guerre des Etoiles" : http://www.senscritique.com/film/La_Guerre_des_Etoiles/critique/37479528


Ma critique de "Rogue One" :
http://www.senscritique.com/film/Rogue_One_A_Star_Wars_Story/critique/39126506

Marius Jouanny

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