Nul besoin d'autre introduction que celle-ci : The Force Awakens est un Star Wars de tout premier ordre, si vous permettez le calembour.
Nul doute que les esprits chagrins trouveront à railler un manque d'originalité - originalité dont ils se garderont d'ailleurs bien de faire preuve - ou à chercher, puisque c'est là leur unique ressource, la moindre scorie scénaristique, comme si le scénario avait encore une réelle importance.
Non, JJ Abrams n'opère aucune révolution, et oui, cet septième opus raconte peu ou prou la même chose que le premier né (l'éternelle lutte pour un équilibre entre bien et mal). Au fond, peu importe ("Sith, Empire, Premier Ordre", mutations d'un même mal) : comme il le dit lui-même à de multiples reprises, le film a conscience de ce qui le précède et de qui le regarde.
Hommage fleurtant sans cesse avec le remake, Star Wars VII possède pourtant une beauté toute particulière et inédite à la saga, et c'est bien là l'essentiel : redécouverte douce-amère d'un univers en crise, l'aventure dévoile des espaces connus (ou similaires : Jakku, Tatoïne, même combat ; évocation des plaines enneigées de Hoth) mais à travers une autre lumière - par conséquent un autre regard, celui de JJ Abrams, expert en relecture (voir le très malin Super 8). Le réalisateur construit son film comme un jeu de construction, démontant l'oeuvre originale et son architecture pour la remonter à partir des ruines et des pièces éparses, faisant place nette à une esthétique de la récupération et du recyclage qui embrasse à la perfection l'univers et l'époque qu'il se propose de filmer.
Profondeur mirobolante, assombrissements et changements de teintes (couchers de soleil contre soleils absorbés), structures macroscopiques magnifiées par la douceur de la pellicule, une mise en scène tellurique et stellaire au service d'enjeux à hauteur d'êtres (humains, vivants ou robotiques, tous touchés par logique du sentiment.)
C'était, dans une expérimentation numérique pourtant intéressante, l'échec flagrant de la prélogie : obsédé par son projet, Lucas en avait oublié de filmer des trajectoires et les chocs émotionnels nés de leurs rencontres.
Chez Abrams, un plan suffit : un vaisseau, au loin, quitte une planète de sable, et soudain c'est la restriction du quotidien, l'invitation au voyage, les proches qui sont si loin dans les yeux de Rey ; les stoormtroopers, par la figure de Finn, gagnent la possibilité du choix et donc une identité derrière l'unicité de leur masque. Et puis, il y a surtout ce Kylo Ren (décidément fascinant Adam Driver), magnétique et fragile, doux visage mû par la colère et le chagrin, enfant terrible à la voix de métal qui comme ce Star Wars, craint, adore, imite comme il les renouvelle, les mythes qui l'ont fait naître.