Quand il s’agit de Star Wars, il m’est bien évidemment impossible de faire une critique purement objective , comme tous ceux qui ont découvert l’original en 1978 je suis porteur de ce virus que la vision du crawl de générique réveille dans ces zones du cerveau imprimées dés l’enfance.Je vais tenter tout de même à me livrer à l’exercice…
A l’aune du souvenir pour le moins mitigé laissé par la prélogie l’enjeu majeur pour Lucasfilm / Disney était de faire à nouveau des plus blasés et sceptiques des fans de « Star Wars » de « vrais croyants ». Pour cela il fallait parvenir à ramener le spectateur vers l’état émerveillement ressenti à la vison de la trilogie originale. J.J Abrams était le candidat idéal pour cette tache car, si il n’a pas (encore) créé de mythe à la hauteur de celui de Lucas, il a le talent d’en saisir les éléments clés et de les rassembler sous une forme dynamique qui en restitue l’âme tout en portant sa marque.
Abrams épaulé par Lawrence Kasdan légendaire co-scénariste des épisodes V et VI ont bâtit leur scénario sur l’ossature de « Star Wars un nouvel espoir » – le film de la saga que vénère Abrams – dont ils reprennent la structure et les motifs principaux ce qui permet d’introduire les nouveaux venus dans un cadre narratif familier rendant plus facile le passage de témoin de l’ancienne génération à la nouvelle. Suivant le même déroulement les principales scènes se répondent, ce dialogue à presque 40 ans d’intervalle permet de souligner l’évolution de la saga, à l’exemple de l’héroïne autrefois princesse à secourir aujourd’hui proactive et aussi de jouer avec l’attente du spectateur.
Autre enjeu primordial pour Abrams (et Disney) créer de nouveaux protagonistes assez intéressants pour porter une nouvelle trilogie. A cet égard la réussite est totale. Rey forte et touchante, Finn le Stormtrooper en pleine crise de conscience sont immédiatement attachants, le jeu – John Boyega au timing parfait , Daisy Ridley parfaite héritière (thématique) de Luke Skywalker – et la complémentarité entre les interprètes remarquable. Oscar Isaac tire le meilleur de son temps réduit à l’écran en pilote héroïque, aventurier à l’ancienne à la Errol Flynn plein d’humour et de panache. (J’ai rarement vu un comédien pouvoir passer comme lui de rôle abjects, intenses ou légers avec toujours la même crédibilité). Et n’oublions pas le droïde BB-8 formidable création aussi drôle et attachant que ses illustres prédécesseurs.
Le film perpétue la tradition initiée par Lucas de faire écho à des sujets contemporains ou politiques, le Premier Ordre (à coté duquel l’Empire est presque social-démocrate) pousse encore plus loin la symbolique du nazisme , l’histoire de Finn évoque le drame des enfants soldats et on ne peut s’empêcher de voir en Kylo Ren une métaphore de la radicalisation religieuse (d’ailleurs le Premier Ordre lui-même peut être vu comme une sorte d’Etat Islamique de la galaxie né des ruines de l’Empire comme ISIS de celle de l’Iraq) . Ce personnage très attendu qui il a la lourde tache de succéder au plus célèbre méchant de l’histoire du cinéma – une dimension intégrée à l’histoire – est une réussite : complexe, tourmenté et impitoyable il est formidablement incarné par un Adam Driver, fiévreux.Le temps nous dira si il finira , comme il le souhaite, à égaler Darth Vader.
C’est bien sur un plaisir immense de retrouver les personnages iconiques de la première trilogie en particulier un Harrison Ford enfin réconcilié avec son personnage qui efface sa prestation détachée du Retour du Jedi ramenant enfin le contrebandier des deux premiers volets (d’ailleurs pour la première fois on le voit faire de la contrebande). L’humour du film est aussi réussi, souvent basé sur des clins d’œil aux films originaux il passe principalement par les interactions entre les personnages dans un style purement « Adamsien ».
Techniquement Abrams et ses collaborateurs injecte un rythme constant qui évoque l’esprit des « serials ». Ils s’attachent obstinément à redonner toutes leur place aux effets physiques et à des décors « en dur » qui donnent une texture au film. J’ai aimé son travail sur l’échelle des objets dans le film, en plaçant la plupart des combats dans l’atmosphère les vaisseaux familiers X-Wings et chasseurs TIE acquiert une nouvelle ampleur. Dan Mindel excelle à nouveau entre des compositions de paysages majestueux (ah ses épaves de croiseurs interstellaires !) et des mouvements de caméra agiles quand la situation l’exige. Les monteurs Maryann Brandon et Mary Jo Markey sont attentifs à la cohérence des séquences d’action tout en maintenant le rythme propulsif qui marque tous les blockbusters d’Abrams. Seule petite déception, le vieux lion John Williams ne sera pas parvenu à nous offrir un nouveau thème vraiment marquant pour cette nouvelle trilogie (ce qu’il avait réussi sur la prélogie avec Duel of the Fates et Across the stars) malgré quelques perles, le thème au piano de Rey en particulier.
Avec ce film J.J Abrams a payé son tribut à son film fétiche avec classe laissant à Rian Johnson (Looper) le champ libre pour innover avec la liberté supplémentaire que laissent les « épisodes du milieu ».
Conclusion : J.J Abrams est parvenu à insuffler une nouvelle vigueur à la franchise des franchises en nous ramenant avec ce « Réveil de la Force » enthousiasmant et émouvant vers l’état d’émerveillement dans lequel nous étions devant la trilogie originale. Le géant Star Wars s’est réveillé.