Après le fameux texte déroulant, les Star Wars s’ouvrent généralement sur une entrée de vaisseaux bougeant dans le champ. Ici, la caméra plonge littéralement vers l’action, signe d’une prise en main réjouissante. Pourtant, les prémices des Derniers Jedi se révèlent plutôt oscillants. La plupart de ses défauts visibles se décèlent ainsi dans les trois premiers quarts d’heures durant lesquels on craint même, à la faveur de quelques traits d’esprits, que Rian Johnson ne cherche à trop se détourner de la vision de J.J. Abrams. Dans ces bobines introductives, sans doute met-il un peu trop l’accent sur l’humour, pas forcément maîtrisé, et qu’il aligne trop de trames parallèles. Les écarts notables de tonalité et de rythme entre ces diverses intrigues déstabilisent légèrement son récit. Pourtant, en résonance avec ce que la saga a toujours raconté, un rééquilibre naturel des forces s’établit et, très rapidement, Les Derniers Jedi affirme avec bravoure et sentiments son identité propre et son appartenance à la saga, son esprit, sa lettre...
En 2015, Le Réveil de la Force insufflait de la vie dans une mythologie figée dans le marbre. Les Derniers Jedi avait l’impératif de faire prospérer cette vie, et de ne pas simplement camper sur les acquis du film de J.J. Abrams. Entre les mains de Rian Johnson, auteur des remarqués Brick et Looper, cette suite très attendue répond vaillamment aux attentes. Vaillamment, car Johnson ne choisit pas la voie royale – celle qui aurait fait des Derniers Jedi, de par son statut d’épisode central de la nouvelle trilogie, un simili-Empire contre-attaque – et prend la décision de raconter l’histoire que lui, cinéaste et fan de la saga, aimerait se voir raconter. Une histoire faite de surprises, où le plaisir de la découverte prône...
Le réalisateur introduit ainsi de nouveaux personnages (interprétés par Kelly Marie Tran et Laura Dern) aux côtés des anciens “nouveaux”, qui font désormais partie intégrante du récit et dont le statut a changé (Poe est monté en grade, Finn est considéré comme un héros de guerre). Johnson a surtout retenu que le passage de témoin entre générations avait été effectué par Abrams : respectant l’œuvre de son prédécesseur sans brider son inspiration, il tourne Les Derniers Jedi vers l’avenir et l’inconnu. Tout comme, dans Looper, le vieux Joe (Bruce Willis) refusait la fatalité de son destin, les protagonistes tournent le dos, ou apprennent à tourner le dos, au passé et à aller de l’avant, à la manière de cette trilogie s’écrivant par étapes, laissant planer le mystère et transpirer l’émotion. Et, revenu au centre du récit, Mark Hamill livre une composition hors norme : le fougueux maître Jedi, devenu ermite terrassé par les conséquences de ses actes, incarne à lui seul la complexité de l’œuvre développée par Johnson !!!