Rares sont les sagas qui peuvent se targuer d’être aussi scrutées que la saga Star Wars. Arrivé à un statut quasi divin, chaque mouvement autour de ces films est finement observé par les dizaines de millions de fans. Effrayés d’abord par l’annonce d’une nouvelle trilogie, puis rassurés à la sortie en salle du Réveil de la Force (même si visiblement la perception de l’épisode s’est dégradée en deux ans), les fans attendaient logiquement de pied ferme Les Derniers Jedi. Et force est de constater que c’est un déferlement qui s’abat sur le film depuis sa sortie, un déferlement qui me semble personnellement injuste tant Rian Johnson est généreux, audacieux et profite de ce Star Wars pour complètement redistribuer les cartes.


Le Réveil de la Force était un parfait film de transition, très respectueux de la saga à laquelle il s’attaquait, le film de Abrams était une petite perfection technique qui mettait en place des personnages souvent attachants mais qui était tellement prévisible qu’il était peu marquant. Deux ans plus tard Johnson décide de dynamiter complètement la saga en proposant un film qui prend de nombreux risques. Reprenant quelques instants après la fin du septième épisode, Les Derniers Jedi propose de suivre à la fois la rencontre entre Luke et Rey mais aussi les tribulations des rebelles face à un Premier Ordre qui semble devenir de plus en plus puissant.
Il serait idiot d’en dire plus, tant Disney a été intelligent dans sa communication en ne dévoilant quasiment rien de ce huitième épisode et en multipliant les fausses pistes. L’impondérabilité du scénario de cet épisode est une véritable force, Johnson parvient à additionner les retournements, et les révélations sans pour autant nuire à la cohérence de l’ensemble. Les Derniers Jedi répond à de nombreuses questions, en pose d’autres mais ce qu’il réussit surtout c’est créer du background qui continue à approfondir la saga Star Wars. Ce chapitre de l’aventure ne se repose pas uniquement sur ce qui a déjà été fait dans le passé, comme les Star Wars originaux il offre de nouveaux paysages (la planète casino est un ajout amusant, le bestiaire est nombreux et jamais gimmick), des technologies inédites et des éléments d’univers jamais-vus (on découvre logiquement vu la puissance des personnages en présence des nouveaux usages de la Force). Tout ce qui manquait cruellement au Réveil de la Force en somme. Le film traite particulièrement bien tout ce qui est relatif à la force, lui redonnant une bonne fois pour toute la place mystique qu’elle doit avoir. Grâce à elle le film peut parler de thème important et remettre la question de l’espoir (commune à toute la saga) au centre du film. Le film est tout à fait satisfaisant quand il traite le passé de certains personnages et qu’il prend son temps pour traiter ce qu’il souhaite traiter. Un blockbuster antinomique aux autres gros films qui sont dans une hâte permanente qui ne nous laisse pas souffler quitte à tuer tout effet de tension. De la tension, ce Star Wars 8 n’en manque pas, tant la montée en puissance du film est impressionnante et certaines scènes deviennent de véritables fulgurances qui vous font hérisser les poils et sont à mettre au panthéon des plus grandes scènes de la saga. De grands moments de bravoures et d’actions ponctuent le film, que ce soit la bataille spatiale de l’ouverture, ou le dernier acte qui ne déçoit pas.
Si scénaristiquement Les Derniers Jedi est généreux et efficace, il n’en reste pas parfait. On regrette surtout de véritables facilités scénaristiques qui pourront vous faire tiquer, sans pour autant vous faire sortir du film. Cela reste des problèmes qui auraient facilement pu être éviter et qui risque d’en embêter certains. On peut aussi évidemment reprocher à ce soir de chambouler trop souvent les codes. Que ce soit la construction du film qui est moins linéaire qu’habituellement en multipliant les points de vue, ou alors le fait que le film se permet d’ajouter des éléments qui ne s’intègrent pas forcément à la saga Star Wars. Aussi, certains points de l’histoire peuvent rester de véritables mystères et s’ils seront surement mieux traités dans l’épisodes suivants ils restent pour le moment des énigmes. Toujours est-il que ces points n’expliquent pas les critiques qui sont adressées à ce Star Wars. L’Empire Contre-Attaque ne chamboulait-il pas déjà certaines bases de La Guerre des Etoiles ?


Rapidement, le traitement des personnages est lui aussi inégal. Trois personnages sortent véritablement du lot, sans spoiler, Luke, Rey et Kylo Ren sont clairement ceux qui sont le plus sublimés par le film. Le premier reçoit un traitement inattendu, mais qui fait justement sa force, un être imparfait, brut et puissant qui n’avait jamais permis à Mark Hamill de montrer autant son talent. Certains râlent de la désacralisation dont il fait preuve, mais au contraire c’est en montrant ses tourments que le personnage devient plus intéressant. Quant à Rey et Kylo Ren, ils sont justement ultra-intéressants dans ce qui les lie. Leur relation est très intéressante, en perpétuelle évolution, et les personnages sont complexes et intéressants. Forcément, face à ces trois personnages qui prennent autant de place il est plus difficile de développer le reste, si certains s’en sortent bien (Leia en particulier, Poe aussi, et si Snoke mérite d’être traité encore plus en profondeur il parvient à démontrer son charisme dans ses rares scènes), d’autres sont trop effleurés pour être vraiment passionnants (Finn est la déception de ce huitième opus). Le casting est cinq étoiles, Hamill étonne, Carrie Fisher est fort juste elle aussi, et le casting découvert dans le septième est toujours aussi bon.
Efficace au scénario, Rian Johnson l’est aussi à la réalisation. Le rythme parvient à préserver le film de tout sentiment de longueur même s’il prend son temps. Johnson multiplie les effets de montages qui créent des liens pertinents entre les personnages, et toute la mise en scène est au service du sentiment de pression et de gigantisme que le réalisateur confère à son film. Johnson a un sens du plan particulier, qu’il avait déjà démontré dans Looper, et qui forcément sous l’effet Star Wars se retrouve décuplé. La photographie est flatteuse, magnifique et donne un sens d’épique que la saga avait rarement eu. Le travail sur les couleurs est souvent plein de sens et tout à fait réussi. La construction des différents plans est souvent très réfléchie et offre des images qui resteront gravées comme les plus percutantes de toute la saga. Pour offrir ce magnifique spectacle, Johnson est aidé par une technique quasiment parfaite, les effets spéciaux sont splendides, le travail sonore est fantastique, le travail sur les décors est riche. Un mot sur la bande originale de John Williams, une déception, une fois encore, Williams n’est plus que l’ombre de lui-même et recycle à tout va (Giacchino était bien meilleur sur Rogue One).


Non, ce n’est pas car Les Derniers Jedi ne tombent pas dans l’hommage total à l’épisode cinq que ce n’est pas un bon Star Wars, c’est même exactement l’inverse. C’est justement car le film ose, crée et se trompe parfois (les Star Wars n’ont jamais été parfaits) que c’est un excellent Star Wars. De surcroit, grâce à une réalisation très efficace, un sens de l’esthétisme inédit, et des acteurs qui sont tous très bons. Les Dernier Jedi est un vrai bon film, un grand divertissement porté par une histoire qui ose l’inattendue, qui offre de grands moments de bravoure et est sublimée par une technique et une réalisation très efficace. Ce qui en fait probablement le meilleur divertissement de l’année.

BastienGiot
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2017

Créée

le 17 déc. 2017

Critique lue 277 fois

BastienGiot

Écrit par

Critique lue 277 fois

D'autres avis sur Star Wars - Les Derniers Jedi

Star Wars - Les Derniers Jedi
Cyprien_Caddeo
4

Comment faire n'importe quoi avec Star Wars, par Disney.

Voilà, pour la première fois de ma vie, je me suis fait salement chier devant un Star Wars, j'ai levé les yeux au ciel, grommelé pendant toute la séance, et détesté un film de la saga. Je suis à deux...

le 14 déc. 2017

309 j'aime

71

Star Wars - Les Derniers Jedi
Vnr-Herzog
7

Naguère des étoiles

Cela fait quarante ans que La guerre des étoiles est sorti, un film qui a tout changé et qui a marqué et accompagné des générations de spectateurs. Même si Les dents de la mer avait déjà bien ouvert...

le 21 déc. 2017

297 j'aime

42

Star Wars - Les Derniers Jedi
Gand-Alf
8

Les vieilles choses doivent mourir.

S'attaquer à une institution comme celle que représente Star Wars, c'est comme inviter à danser la plus jolie des CM2 alors que tu n'es qu'en CE1. Qu'elles que soient ta bonne volonté, ta stratégie...

le 18 déc. 2017

206 j'aime

54

Du même critique

House of Gucci
BastienGiot
4

Au nom du père, du fils, et de saint-fouilli

Dans House Of Gucci, le personnage de Camille Cottin, Paola, demande a Maurizio Gucci (Adam Driver) de faire un choix. Ridley Scott lui n'a été capable d'en faire aucun et se retrouve à essayer...

le 24 nov. 2021

12 j'aime

Black Widow
BastienGiot
3

Black Widow, non don't.

J’ai vu le film en AvP au Grand-Rex mais je préférais attendre un peu à froid pour dire ce que j’ai pensé du film. En contexte, je suis assez bon client MCU, sans être un fan absolu je vois les films...

le 6 juil. 2021

12 j'aime

1

Eva
BastienGiot
3

Eva nulle part

La frustration est un sentiment dur à gérer au cinéma, même quand il fait partie des intentions du réalisateur, c’est toujours difficile à accepter pour le spectateur d’accepter un film qui le laisse...

le 23 févr. 2018

12 j'aime

1