Avec Joker, Todd Phillips a voulu faire joujou avec le cinéma de Martin Scorsese – les intentions le révèlent, le film beaucoup moins. Avec Starsky et Hutch, c’est la série de même nom qui est revisitée à grands renforts de coupes capillaires, de vêtements sortis des friperies et de chansons vintages. Preuve que Phillips, s’il n’est pas cinéaste, est le roi du décalque : l’atmosphère des années 70 s’avère parfaitement restituée, et va même jusqu’à retrouver le grain d’image propre au format original. La Gran Torino rouge et blanche vrombit, la petite équipe gravitant autour du duo de tête se voit dépoussiérée avec une inventivité certaine. Il n’y a pas à dire, la reconstitution est de qualité. Et c’est bien la seule chose, au sein d’un produit calibré pour la grande consommation qui se voit péniblement et s’oublie aussitôt, sans peine cette fois.


Car d’un tel visionnage résulte une gêne croissante à mesure que les petits sketchs s’enchaînent en s’emboîtant mal les uns dans les autres, que l’enquête – si tant est que l’on puisse parler d’enquête – piétine voire s’improvise au gré des placements de productions référencées avec toute la finesse que nous connaissons au réalisateur, que les dialogues souffrent d’une indigence rare au point que les fameuses punchlines tombent systématiquement à plat. Le film se contente d’être démonstratif : le spectateur a cette fâcheuse impression d’assister à une longue séquence d’introduction devant laquelle il peut reconnaître çà et là des emprunts faits à l’œuvre originelle ou à d’autres grands monuments du cinéma des années 70 (Easy Rider en tête), sans que le musée de cires ne prenne vie. Assis dans son fauteuil comme dans ces bus touristiques qui parcourent les artères d’une ville pour montrer les curiosités.


Nous ne vivons pas Starsky et Hutch, nous assistons au spectacle de sosies s’efforçant de ressusciter une série dont la simple consultation suffisait à réjouir les plus épris et à initier les novices. Dépourvu d’ambitions dramatiques et de vision esthétique, le film de Todd Phillips cultive en outre ce mauvais goût tant apprécié par le réalisateur, celui qui suinte des pores de Very Bad Trip ou qui se trouve conforté dans War Dogs. Sous sa filmographie se cache, en fin de compte, une fascination pour la vulgarité qui tente de se draper dans un déballage de citations qui sont autant d’autorités derrière lesquelles esquiver attaques et critiques, derrière lesquelles jouer au cinéaste. Phillips est un réalisateur de l’esquive qui se sert de la provocation de surface pour conforter son public dans son fonds de régression primaire. À l’image de son Starsky et Hutch : c’est du vulgaire plaqué sur du rétro.

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le 18 nov. 2019

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